mardi 16 août 2011

Le Résistencialisme (mémoires de la guerre 1)


La 2ème guerre mondiale et surtout Vichy ont profondément divisé les Français : on ne peut pas vraiment parler de guerre civile mais on n’en était pas loin…

La guerre achevée se manifeste donc un besoin d’unité, la nécessité de ressouder la population, la volonté de bâtir un consensus. Celui-ci s’appuie sur deux points : l’identification de l’ensemble de la société française autour de la Résistance et l’oubli du régime de Vichy. On assiste donc à l’union de toute la société autour de la Résistance et pendant cette période, les divisions politiques entre résistants sont gommées ou aplanies car on considère les résistants avant tout comme des patriotes.  Les différents partis politiques, PCF, SFIO, MRP véhiculent l’image d’une France majoritairement résistance et De Gaulle incarne et magnifie cette image. Dès 1946, le film « La bataille du rail » de René Clément glorifie la France résistante. C’est le « résistancialisme » avec assimilation de la Résistance à l’ensemble de la population et minoration de l’importance du régime de Vichy et de la collaboration. Le régime de Vichy est gommé de la mémoire officielle du pays. De Gaulle annule tous les décrets et les lois pris par l’autorité de fait qu’est l’Etat français. Pour lui comme pour les partis de la résistance, ni la France, ni la République, ni la société française dans son ensemble ne peuvent être tenus pour responsables de la politique de collaboration de Vichy. L’épuration, d’abord sauvage puis sous une forme judiciarisée permet de punir ceux qui ont pris une part active à la politique de collaboration et qui sont considérés comme des traîtres, mais au-delà de cette attitude, il existe tout de même une idée de réconciliation : on dédouane une majorité de Français qui ont tout de même largement soutenu le régime de Vichy jusqu’en 42.  L’histoire officielle est alors en totale distorsion avec la vérité historique véritablement falsifiée pour des raisons idéologiques. En déclarant que Vichy est nul et non avenu, la question des responsabilités de l’administration française dans la déportation des Juifs de France est totalement éludée, la spécificité de leur calvaire aussi…

L'image qui capte l'attention est celle des « déportés résistants » victimes de la répression nazie. Véritables héros nationaux, l'Etat leur réserve toutes les distinctions honorifiques. Quant aux juifs de retour des camps d'extermination, ils ne sont pas considérés comme un groupe spécifique ayant échappé à l'anéantissement. La mémoire spécifique des prisonniers de guerre 1 850 000 hommes en 1940 est effacée puisque c’est la preuve vivante de la plus grande défaite que la France ait jamais connue de son histoire : c’est la condamnation à l’oubli !  La mémoire spécifique des déportés dans les camps dérange : l’opinion n’est pas prête à comprendre ce qui parait inimaginable et est pourtant réel, le génocide et la barbarie : c’est le refoulement pur et simple dans l’inconscient collectif.  Il n’y a pas pour la 2ème GM de monuments aux morts comme pour la 1ère GM car sa mémoire reste fragmentée. Les deux statuts votés en 1948 (Statut des déportés et internés de la Résistance pour les membres de la Résistance déportés en Allemagne mais aussi emprisonnés sur le sol français, statut des internés et déportés politiques : un mélange de membres de partis politiques en dehors de la Résistance, arrêtés comme tels, Juifs inclus) renforcent ce flou et le résistancialisme.
Le résistancialisme, promu par les hommes politiques et la assimile donc déportés / internés / résistants / patriotes. Toutes les victimes du nazisme sont égales, victimes du même système concentrationnaire. C’est une relecture après coup de la déportation, l’assimilant à une forme de patriotisme inconscient, donc une forme de résistance. C’est une vue de l’esprit qui déforme la réalité sous couvert d’exaltation de l’unité nationale d’une République une et indivisible.

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