mardi 16 août 2011

Histoire des arts : Lacombe Lucien

Lacombe Lucien est un film de Louis Malle sorti en 1974.
Lucien Lacombe, un jeune paysan du Sud-Ouest travaillant à la ville, retourne pour quelques jours chez ses parents en juin 1944. Son père a été arrêté par les Allemands et sa mère vit avec un autre homme. Il rencontre son instituteur, devenu résistant, à qui il confie son désir d'entrer dans le maquis. Il essuie un refus. De retour en ville, il est arrêté par la police et après un habile interrogatoire dénonce son instituteur. Il est engagé par la Gestapo. Lucien Lacombe campé par un non-professionnel, Pierre Blaise, issu comme le héros du monde rural (et mort dans un accident de la route peu après le film) se range, sans réelle conviction, dans le camp des miliciens. Avec l'argent, les armes, les vêtements neufs et le pouvoir que lui apportent ses fonctions, il se forge une nouvelle identité. Alors qu'il ne souffre guère d'être mis à l'écart par sa famille et ses anciens amis, Lucien est très troublé par l'amour qui le porte vers une jeune et riche juive, qu'il sauvera finalement de la déportation.
Faisant fi des incontestables qualités du film de Louis Malle, ses détracteurs accusèrent le cinéaste d'avoir trop opportunément sacrifié à une douteuse mode rétro. Passe encore qu'il ait ramené à la surface des vérités qu'on aurait préféré oublier, mais qu'il ait osé renvoyer dos à dos résistants et collaborateurs, voilà qui ne pouvait être pardonné au cinéaste, en dépit de ses protestations d'objectivité. Même si les réactions soulevées par Lacombe Lucien ne furent pas le principal motif de l'exil américain du cinéaste, il n'en reste pas moins que c'est à partir de ce film qu'il renonça à faire carrière en France. Louis Malle a connu lui-même, enfant, les aléas de la France occupée. Issu d'une riche famille de producteurs de sucre du nord de la France, né le 30 octobre 1932, il fut évacué vers un collège des Carmes de Fontainebleau, où des enfants juifs dont les parents étaient morts ou avaient été déportés avaient trouvé refuge. Un jour, des soldats allemands envahirent l'établissement et, après avoir démis le directeur de ses fonctions et emmené les jeunes juifs, fermèrent le collège. Tout jeune donc, Louis Malle fut marqué par le spectacle de la violence, de même qu'il allait l'être, peu après, par les résistants qu'il côtoya alors qu'il s'était réfugié dans le centre de la France."
Le film pose la question de la mémoire de la 2de guerre mondiale ou devrais-je plutôt dire des mémoires de cette guerre. 

La question des mémoires de la guerre est en rapport avec l’état de la recherche contemporaine et avec l’intérêt que l’on porte de plus en plus à la mémoire. En fait, le bilan de la guerre est par bien des aspects particulièrement lourd à porter ; les conséquences du conflit ont marqué les mémoires mais celles-ci évoluent au fil des temps. Il revient à l’historien d’en écrire l’histoire.
La mémoire est un phénomène complexe, largement subjectif: la mémoire intègre une expérience, un vécu ou un ressenti, une large part d’émotion, de sensibilité. Elle évolue entre souvenirs, amnésie, refoulement et revitalisation. La mémoire sélectionne, laissant parfois dans l’ombre ce qui dérange ou effraie, elle se déforme par l’interprétation que tel ou tel témoin fait de son passé à la lumière de ce qui est survenu depuis. Elle peut être déformée sous la pression d’une volonté délibérée de désinformation, elle s’entretient par les manuels d’histoire, par les témoignages du livre et de l’image, les commémorations ; elle peut aussi s’étioler, s’affaiblir, être blessée par l’oubli ou s’effacer avec le temps. En fait il n’y a pas une mémoire mais des mémoires.
L’histoire, elle demeure, en s’appuyant sur les faits et sur les documents qui les attestent. Elle est fondamentalement une « remise à distance ». Il s’agit pour l’historien de faire l’histoire de la mémoire collective ou des mémoires. Il s’agit de faire la part de ce qui est intégré à la mémoire collective et de ce qui est refoulé, de faire la part des distorsions de tel ou tel évènement historique et de les analyser car elles sont révélatrices du rapport que la société entretient avec son histoire et donc de l’image qu’elle a d’elle-même. Il n'existe pas pour l'historien de « devoir de mémoire » fruit de revendications catégorielles ou communautaristes, mais bien un devoir d'histoire. La seconde guerre mondiale et la shoah sont sur ce plan des exemples achevés.
Le problème est donc de savoir comment a évolué l’image des années de guerre chez les Français et dans les différents groupes sociaux qui ont vécu celle-ci. Dans quelles conditions et pour quelles raisons n’émerge que tardivement une mémoire de la Shoah en France.

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