mercredi 17 août 2011

La décolonisation de l'Afrique


L'Afrique fut à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, le continent « pri­vilégié» de l'expansion coloniale européenne. Le Portugal et la Belgique ont quelques possessions, l'Allemagne et l'Italie ont perdu les leurs à l'is­sue des deux guerres mondiales et ce sont la France et l'Angleterre les puis­sances dominantes.  À la fin de la Seconde Guerre mondiale, la quasi-totalité des pays africains est dépendante (l'Egypte ou l'Union sud-africaine sont des exceptions). Après 1945, alors que les puissances européennes ont perdu beaucoup de prestige, les colonies s'engagent dans un processus de décolonisation par lequel l'Afrique se libère de la domination des pays européens. Cette émancipation fut longue (elle se termine en 1990) et souvent difficile. Cette volonté d'émancipation voit le jour dans un contexte favorable où nombreux sont ceux qui soutiennent ce mouvement. Entre 1955 et 1965, la majorité des pays se libère de la tutelle européenne selon des modalités très différentes mais la fin très tardive de la décolonisation et la persistance de structures coloniales soulignent les difficultés de ce processus. Dans quelles mesures peut-on dire que la décolonisation africaine s'est déroulée de façon imparfaite et inaboutie ?
Un contexte favorable :
 Défaite en 1940, la France a perdu de son prestige dans les colonies africaines et elle n'a réussi à maintenir sa tutelle que grâce à l'aide améri­caine. L'Angleterre sort vainqueur de ce conflit mais épuisée et son pres­tige est amoindri surtout à cause de ses revers asiatiques.
Les États-Unis et l'URSS, vainqueurs de la guerre, se font les hérauts de l'anticolonialisme. Les Américains rappellent qu'ils sont une ancienne colonie et les Soviétiques se réfèrent à la tradition révolutionnaire et éga-utaire du communisme.
 L'ONU nouvellement créée en 1945 (charte de San Francisco), sert de tribune aux revendications libératrices et aux attaques contre les métro­poles de la part des États sud-américains, arabes ou asiatiques.
Des mouvements nationalistes ou contestataires :
 Les élites africaines (ex. Léopold Sédar Senghor) se sont formées en Europe et se sont inspirées des valeurs européennes de droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
 À la fin de la guerre, essor de mouvements nationalistes cristallisés autour du refus de la présence étrangère : le parti de l'Istiqlal au Maroc, le néo-Destour en Tunisie avec Habib Bourguiba, le panafricanisme de Kwame Nkrumah au Ghana (la Côte-de-l'Or)...
 Au début des années 1950, la quasi-totalité des colonies asiatiques est libérée et ces pays servent d'exemple pour l'Afrique. En 1955, la confé­rence de Bandung en Indonésie, à laquelle participent plusieurs déléga­tions africaines, condamne le colonialisme et rappelle le droit des peuples à disposer d'eux-mêmes.
Des métropoles dépassées :
 Face à ces revendications, les métropoles ne proposent que des avan­cées bien insuffisantes.
 L'Angleterre s'oriente vers un Self-Government, forme d'autonomie pour ses colonies, processus « gradualiste » qui s'effectuera par étapes.
 La France crée l'Union française en 1946 mais n'envisage ni autono­mie ni indépendance.
 Les positions du Portugal et de la Belgique sont similaires.
La colonisation et le système colonial, critiqués et contestés de toutes parts, ont vécu, et la décennie qui s'annonce en 1955 sera celle des libérations, pacifiques ou non.
Des indépendances négociées :
 Dans la plupart des pays africains, l'indépendance est octroyée sans vio­lence après négociations et dans le cadre d'accords.
 Le Ghana, dirigé par Nkrumah, est le premier pays noir indépendant et son leader prêche l'unité africaine (1957).
 Dans sa foulée, la plupart des colonies anglaises (Nigeria, Gambie...) obtiennent l'indépendance mais restent attachées à l'Angleterre grâce au Commonwealth.
 L'Afrique noire française (Mali, Côte d'Ivoire, Sénégal...) envisage une forme d'autonomie et non l'indépendance. A partir de 1956, la loi-cadre Defferre permet le transfert de la souveraineté aux anciennes colonies : en 1960 les territoires de l'AEF et de l'AOF sont indépendants.
 Les colonies italiennes (Libye, Somalie ) confiées à l'ONU deviennent indépendantes en 1951 et I960.
 Des luttes pour l'indépendance plus ou moins violentes :
Certaines indépendances ont été plus difficiles et sanglantes essentiellement sur des territoires où la population européenne était nombreuse (Algérie, Kenya).
 Les indépendances du Maroc et de la Tunisie sans être d'une violence extrême furent tendues (exil de Mohammed V, terrorisme et représailles) et obtenues en 1956.
 Au Kenya, l'Angleterre doit faire face au soulèvement sanglant des Mau-Mau en 1952 contre les «collaborateurs noirs» d'abord puis contre les Blancs. Il fut violemment réprimé. Indépendance en 1963.
 L'Algérie, colonie de peuplement, où résidaient 1 million de Français (les pieds-noirs) entre le 1er novembre 1954 dans une guerre longue pen­dant laquelle la position de la métropole évolue de l'intransigeance à l'iné­luctable indépendance (accords d'Évian en 1962).
 Le Congo belge : une négociation qui tourne à la guerre civile :
 La colonisation n'engendra pas l'émergence d'une élite et maintint une séparation entre les ethnies. À la fin des années 1950, le Congo se trouva dépourvu de personnel pour prendre la suite des Belges.
 Bâclée, l'indépendance octroyée en 1960 laisse un pays divisé. Patrice Lumumba, Premier ministre (assassiné en 1961), partisan d'un pouvoir centralisé, doit faire face à la sécession du Katanga, riche province minière, qui se termine en 1963 après une guerre civile terrible.
 En 1964, le général Mobutu prend le pouvoir.
L'ensemble de ces décolonisations donne naissance à de « nouveaux » pays qui reprennent exactement les frontières issues de la colonisation qui sépa­raient ethnies, langues ou religions, sources évidemment de multiples contestations (le Sahara occidental) ou de guerres (Tchad, Nigeria...). La lente agonie de l'Empire portugais et les sursauts racistes vains de l'Afrique australe finissent la décolonisation de l'Afrique. Mais les liens tis­sés pendant plusieurs décennies ne s'effacent pas ainsi, et la « coopération » financée par les anciennes puissances est parfois ambiguë.
 Le Portugal s'arc-boute sur ses colonies :
 Le Portugal du dictateur Salazar conditionne la survie de son régime au maintien de l'Empire.
 L'Angola et le Mozambique deviennent indépendants en 1975 après plusieurs années de guérillas sanglantes (la rébellion avait commencé au début des années 1950 en Angola et en 1962 au Mozambique).
 Ces indépendances sont liées à la «révolution des œillets» de 1974 qui renverse Salazar.
 Inégalités raciales et nouvelle colonisation en Afrique australe :
 La situation en Afrique australe présente cette originalité que le mou­vement de reprise de la colonisation est le fait des colons eux-mêmes en opposition avec leur métropole.
 La Rhodésie du Sud, après avoir réprimé des mouvements nationalistes, déclare unilatéralement son indépendance en 1965 au profit d'une mino­rité blanche sans l'accord de Londres qui refuse d'intervenir. Résistant 15 ans à toutes les pressions, la Rhodésie ne cède qu'en 1979 et en 1980 elle devient le Zimbabwe.
 La Namibie est officiellement le dernier pays à obtenir son indépen­dance en 1990, en se libérant de la tutelle sud-africaine, vieille de 70 ans.
En Union sud-africaine, les dirigeants blancs établissent une législation instituant l'apartheid à partir de 1948. Ce sont donc les colons blancs qui maintiennent un système «colonial» sur la majorité noire. Ces mesures ne prendront fin qu'en 1991 et Nelson Mandela, opposant longtemps empri­sonné, devient président en 1994.
 Une décolonisation totale ? :
 «L'essence du néocolonialisme tient à ce qu'un Etat qui est indépen­dant en théorie [...] a en réalité sa politique dirigée de l'extérieur», écri­vait en 1965 Kwame Nkrumah.
 Si les pays africains sont aujourd'hui tous indépendants, ils entretien­nent des relations très étroites avec leurs anciennes métropoles : écono­mique (le cours du franc CFA décidé par la France), politique ou militaire (opération Licorne en Côte d'Ivoire en 2003).
Les Européens étaient fortement implantés en Afrique, plus que sur le continent asiatique et depuis plus longtemps, et ont accordé souvent dif­ficilement et tardivement leurs indépendances aux colonies. Ce long processus de libération a profondément marqué ces pays qui gar­dent aujourd'hui encore les stigmates de cette période. Économiquement, diplomatiquement, militairement, les anciennes colonies sont encore sou­vent subordonnées aux volontés européennes (Ne parle-t-on pas de la Françafrique ?). Ce soutien ressemble parfois à une nouvelle domination, plus insidieuse, un néocolonialisme à combattre pour assurer à ces pays un développement à long terme.

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