1892 : Ravachol sur l'échafaud
L'activiste anarchiste français François Koenigstein, dit Ravachol, est
guillotiné à Montbrison. Il avait fait exploser les domiciles de deux juristes
parisiens au mois de mars ainsi qu'une caserne. Il est d'abord condamné au
bagne à perpétuité pour ces attentats mais les meurtres qu'il a commis dans sa
région d'origine, la Loire, lui vaudront la peine de mort. Quand le 21 juin
Ravachol apprend la sentence, il s'écrit : "Vive l'anarchie".
L’anarchie désigne la situation
d’une société où il n'existe pas de chef, pas d'autorité unique, autrement dit
où chaque sujet ne peut prétendre à un pouvoir sur l'autre. Il peut exister une
organisation, un pouvoir politique ou même plusieurs, mais pas de domination
unique ayant un caractère coercitif. L’anarchie peut, étymologiquement,
également être expliquée comme le refus de tout principe premier, de toute
cause première, et comme revendication de la multiplicité face à l’unicité. Le
mot anarchie est employé tantôt comme synonyme de désordre social que l’on
retrouve dans le sens courant, qui se rapproche de l’anomie, tantôt comme un
but pratique à atteindre dans le cadre d'une idéologie comme c’est le cas pour
les anarchistes.
Les anarchistes rejettent en
général la conception courante de l’anarchie (utilisée dans le langage courant,
par les médias et les pouvoirs politiques). Pour eux, au contraire, l’ordre
naît de la liberté, tandis que les pouvoirs engendrent le désordre. Certains
anarchistes useront du terme acratie, du grec κράτος / krátos (le pouvoir) donc
littéralement « absence de pouvoir », plutôt que du terme « anarchie »,
d’étymologie grecque lui aussi, qui leur semble devenu ambigu, porteur d’un
aspect positif mais d’une trop grande connotation négative pour pouvoir être
employé comme synonyme d’un objectif désirable. De même, certains anarchistes
auront plutôt tendance à utiliser le terme de « libertaires » pour se désigner,
ou indifféremment ceux de « fédéralistes », « anti-étatistes » ou «
anti-autoritaires ». Il est arrivé à
Bakounine lui-même d’utiliser « anarchie » au sens de désordre, et l’on
retrouve cette acception dans les écrits du Comité central de l’Internationale
genevoise. Ces formulations ne se retrouvent toutefois plus chez les
anarchistes actuels.
Cependant, les anarchistes
utilisent encore le terme, porteur d’une histoire indissociable d’autres
notions qui s’y rattachent comme l’anarchisme ou l’anarchie positive de
Proudhon (qui est d’ailleurs le premier à donner un sens précis au mot
anarchie, utilisé auparavant en guise d’insulte dans les milieux politiques
sans avoir jamais été véritablement défini). L’anarchie aux yeux des
anarchistes n’est pas un chaos, mais la situation harmonieuse résultant de l’abolition
de l’État et de toutes les formes de l’exploitation de l’humain par l’humain, «
c'est l'ordre sans le pouvoir », « la plus haute expression de l'ordre »
(Élisée Reclus). Fondée sur l’égalité entre les individus, l’association libre,
bien souvent la fédération et l’autogestion, voire pour certains le
collectivisme, l’anarchie est donc organisée, structurée, sans admettre pour
autant, aux yeux des anarchistes anticapitalistes, de principe de supériorité
quelconque de l'organisation sur l'individu. On peut noter que chez tous les
anarchistes la qualité indispensable est la responsabilité individuelle
(associé au droit naturel) qui permet d’agir dans l’intérêt personnel sans pour
autant attenter à la liberté des autres. Les seuls mandatés le sont, par
volontarisme et sans durée précise, dans un but et sur un mandat précis, et il
n’existe ainsi nulle forme de domination ni de gouvernement.
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