Le terme de République que l’on peut employer au singulier comme au
pluriel a plusieurs significations : Un régime politique, un fonctionnement
particulier, un imaginaire mais aussi des valeurs mises en place par la III°
république et toujours vivantes aujourd’hui. La République n’est pas un modèle
statique, elle évolue (3 républiques se sont succédées depuis 1870) : Elle fait
l’objet de débats tant sur le plan intérieur (évolution sociale) qu’extérieur
(guerres mondiales, guerres de décolonisation).
I. Comment la République et ses valeurs se sont-elles enracinées en
France entre 1880 et 1890 ?
A. Une naissance inattendue et
« Le long enracinement à l’ombre des lys » (Françoise Marcard, historienne)
- Proclamée le 4 septembre 1870,
après la défaite impériale de Sedan, la III° République n’est d’abord qu’un
régime provisoire de Défense nationale (proclamée à Paris lors de ce vide
politique). Elle va devoir s’installer, convaincre car la majorité des français
ne semblent pas la souhaiter.
- En 1871, Les républicains sont
minoritaires à l’assemblée nationale (assemblée majoritairement monarchiste) et
doivent faire face à l’épisode de la Commune (insurrection populaire parisienne
matée dans un bain de sang).
- Le 16 mai 1877, une crise
politique va donner raison à la République : Mac Mahon, président de la
République, monarchiste, hostile à des lois sur la presse dissout la
chambre=> de nouvelles élections législatives donnent raison aux
républicains. Le droit de dissolution ne sera jamais plus utilisé sous la III°.
- Les lois constitutionnelles de
1875 (votées à une voix de majorité) apportent la légalité institutionnelle :
Régime parlementaire / Chambre élue au SU direct = caractère démocratique /
Sénat : 75 des sénateurs sont inamovibles = caractère aristocratique, les autres
sont élus au SU indirect et renouvelables par tiers tous les 3 ans / Les deux
chambres = pouvoir législatif / Président doté de larges pouvoirs (nomination
ministres et fonctionnaires, force armée, initiative des lois, exécute les
lois. + pouvoirs sur Sénat et Chambre (droit de les convoquer, de les ajourner,
de fermer une session, de dissoudre la chambre après avis du Sénat) / Mais
faiblesse de la fonction présidentielle car le président est nommé par les
chambres réunies en Assemblée nationale. Même s’il est élu pour 7 ans et
rééligible, il tient ses pouvoirs de l’Assemblée. D’autre part, il est
irresponsable : chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre.
B. Stratégies et instruments
utilisés par le pouvoir républicain pour obtenir le soutien de la population
- Mesures pour gagner l’adhésion
des Français
Les lois : Presse + réunions
publiques autorisées 1881-1884 => la liberté d’expression est garantie
Sociales 1881-1884
Syndicalisme autorisé 1884 = loi
Waldeck Rousseau : autorisation des associations patronales et ouvrières
Association 1901
Séparation Eglise-Etat 1905 :
jusqu’alors, les rapports entre l’Etat et l’Eglise étaient définis par le
Concordat (1802) ; le catholicisme était « la religion de la grande majorité
des citoyens français », les ministres des cultes recevaient un traitement du
gouvernement (comme les fonctionnaires) ; le gouvernement nommait les évêques.
Avec la loi de séparation on reconnaît
la liberté de culte, les prêtres ne sont plus payés par l’état, les biens doivent
être rendus (inventaires parfois très
impopulaires)
Instruction (Lois Jules Ferry)
1881/82 : laïcité (= neutralité de l’état à l’égard des confessions
religieuses), gratuité, caractère obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans
Les symboles / fêtes : 1880 : 14
juillet devient fête nationale et La marseillaise devient l’hymne national /
Adoption définitive du drapeau tricolore
- Valeurs républicaines que ces
lois désirent renforcer : Démocratie, Suffrage universel, Egalité (=>
enseignement ; pas d’égalité sans éducation ), Patriotisme (pas uniquement une
valeur de droite) et nationalisme, cf « Le tour de France par deux enfants » :
manuel de primaire paru en 77 qui raconte les aventures de deux jeunes gens
quittant la Lorraine après son annexion par l’Allemagne ; C’est à la fois un
livre de lecture et de morale, un guide géographique et historique et une
défense des valeurs patriotiques. Dans le même temps, en 89, le service
militaire de trois ans, obligatoire pour tous les hommes, brasse les catégories
sociales et leur fait prendre conscience de leur appartenance commune à une
même patrie
- Influences que les républicains
cherchent-ils à gommer : Celle de l’Eglise et celle des notables
C. Les Français se sont-ils
facilement mobilisés, quel bilan peut-on en tirer ?
- Le SU ne fait plus débat (il
est profondément ancré dans les campagnes après la loi de 84 qui donne à toutes
les communes –sauf Paris- le droit d’élire leur maire) à l’exception du vote
des femmes.
- L’école a-t-elle vraiment pu
donner la même chance à tous ? Les élèves doivent fournir leur propre encre,
une plume, du papier : les plus pauvres sont exclus
Conclusion : Les républicains s’appuient sur les idéaux de la
révolution française (garantie des libertés individuelles- souveraineté
populaire) ainsi que sur le positivisme (doctrine née au milieu du XIX° qui
rejette toute connaissance non fondée sur la raison et l’observation
scientifique).
II. La République, un idéal en construction permanente
A. L’affaire Dreyfus
- Plusieurs crises ébranlent la
République à partir de 1889 (contestations des monarchistes, affaire Boulanger,
scandale de Panama en 92, action terroriste des anarchistes (assassinat du
président Sadi Carnot en 94) mais l’affaire Dreyfus divisera les républicains
(dreyfusards / antidreyfusards) sur fond d’antisémitisme. Cette affaire
d’espionnage va devenir une affaire d’opinion.
- L’affaire a déclenché
l’engagement des intellectuels dans la vie politique. Elle met en évidence un
double système de valeurs :
Dreyfusisme
Vérité, Justice, Raison, Universalisme et Droits de l’Homme (individualisme)
Antidreyfusisme
Autorité, Ordre, Instinct, Nationalisme
exclusif- xénophobie – antisémitisme et Préservation sociale, le groupe est
supérieur à l’individu (holisme)
- L’affaire aboutit à une
définition nouvelle du nationalisme français => il appartient dorénavant à
la droite conservatrice. C’est un nationalisme exclusif avec ses phobies : Le
système parlementaire, l’espionnage, allemand, l’étranger, le juif. Il prétend
défendre une entité française enracinée dans l’histoire, dans un peuple, dans
une religion. Cette entité est frappée de décadence et menacée par les
étrangers. Une famille politique va s’efforcer de représenter ce nouveau
nationalisme. (Ex : L’Action française de Charles Maurras)
- L’affaire révèle l’ampleur de
l’antisémitisme français (mais constitue aussi une mise en garde contre la
haine raciale). Trois sources antisémites apparaissent : Catholique (hostile au
peuple déicide), Socialiste (Fourier/ Proudhon = Le juif incarne le marchand,
le négociant, la spéculation) et une dérivée des grandes découvertes réalisées
dans le domaine de la biologie avec la mise en forme d’un concept de « race »
- Cependant, la République
résiste à l’affaire et est sauvegardée et les ligues nationalistes sont
poursuivies.
B. Les combats de la
Résistance et la refondation républicaine (De la défaite de 1940 à
l’instauration de la IV° République)
1) La défaite de 40 provoque
l’arrivée du maréchal Pétain au pouvoir, quels sont les caractères de ce régime
?
Le régime de Vichy est un régime
autoritaire (« L’Etat français » dispose d’une milice, Organisation qui
collabore avec la gestapo pour arrêter les Juifs, les résistants et les
réfractaires au STO), personnel et antirépublicain (Concentration des pouvoirs,
disparition des assemblées, politique antisémite, collaboration avec
l’Allemagne nazie).
2) Comment la Résistance
parvient-elle à faire triompher les valeurs républicaines, à refonder la
république ?
a) Les valeurs résistantes sont
–elles les valeurs de la République ?
Les valeurs de la République
occupent une place modeste dans les motivations des premiers résistants (refus
de la présence de l’occupant, lutte contre le fascisme sont les principales
motivations). Ce n’est qu’à partir de l’été 1941 que la lutte contre Vichy et
la réaffirmation de l’idée républicaine deviennent une priorité pour la
Résistance intérieure et extérieure : La République devient le dénominateur
commun entre les différents mouvements de résistance.
b) Par son fonctionnement même,
la Résistance est une démocratie à l’œuvre.
Sur le plan politique, les
élections de 1945 marquent un déplacement des forces politiques vers la gauche,
avec l’effacement de la droite, le déclin des partis de gouvernement de la III°
République et l’affirmation des mouvements issus de la Résistance dominés par
les socialistes et les communistes. Mais le retour du parlementarisme entraîne
celui du jeu des partis politiques et aboutit, à l’opposé de l’esprit de la
Résistance et des conceptions du général de Gaulle, à l’établissement en 1946
d’une république proche dans son fonctionnement de la précédente.
C. 1958 – 1962, une nouvelle République
1) L’ampleur du changement
introduit par la crise du 13 mai 1958
Le 13 mai 1958, les partisans de
l’Algérie française s’emparent du pouvoir à Alger. Ils forment un comité de
salut public et appellent le général de Gaulle pour assumer le pouvoir. De
Gaulle est investi des pleins pouvoirs le 1er juin 1958 pour 6 mois avec la
charge de préparer une nouvelle Constitution.
En septembre 1958, les Français
adoptent par référendum la nouvelle Constitution (79% de oui)
2) La V° république et de Gaulle
Le nouveau régime repose sur :
- La concentration des pouvoirs
entre les mains du Président : Le Président est le chef des armées, il nomme le
1er ministre qui constitue son gouvernement. On parle d’un exécutif à deux
têtes mais le 1er ministre est révocable par le Président.
- L’utilisation de moyens
extraordinaires comme l’article 16 : Possibilité d’obtenir les pleins pouvoirs
en cas de menace sur les institutions et gouverner par ordonnances (Utilisé lors
du putsch d’Alger en 1961)
- L’établissement d’un dialogue
direct avec les Français par le biais du référendum et des médias.
Il s’agit donc d’un régime mixte
ou semi présidentiel, c'est-à-dire un régime parlementaire puisque le
gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale mais avec des
pouvoirs étendus pour le Président.
3) 1962 : Le « commencement
absolu de la Ve République » (Raymond ARON)
1962 : De Gaulle échappe à un
attentat de l’OAS => émotion très vive et climat propice aux projets. De
Gaulle veut achever son œuvre constitutionnelle et propose l’élection du
président au SU direct. (Vu par certains comme contraire aux traditions
républicaines car trop présidentiel : Une motion de censure (Déposée par des
députés, si elle est votée, le gouvernement doit démissionner) est déposée.
=> De Gaulle dissout l’AN.
Un référendum est proposé aux
français : Ils répondent favorablement à cette réforme de la constitution et
légitiment les actions de Gaulle.
Conclusion : Cette réforme ouvre sur l’avenir en ce qu’elle annonce le
fonctionnement des institutions pendant les décennies postérieures : Domination
du président, tendance à la bipolarisation de la vie politique, rôle majeur de
l’élection présidentielle. Elle favorise la personnalisation de la vie
politique qu’accélèrent les progrès de la médiatisation.
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