dimanche 20 mai 2012

Une République, 3 Républiques


Le terme de République que l’on peut employer au singulier comme au pluriel a plusieurs significations : Un régime politique, un fonctionnement particulier, un imaginaire mais aussi des valeurs mises en place par la III° république et toujours vivantes aujourd’hui. La République n’est pas un modèle statique, elle évolue (3 républiques se sont succédées depuis 1870) : Elle fait l’objet de débats tant sur le plan intérieur (évolution sociale) qu’extérieur (guerres mondiales, guerres de décolonisation).

I. Comment la République et ses valeurs se sont-elles enracinées en France entre 1880 et 1890 ?

A. Une naissance inattendue et « Le long enracinement à l’ombre des lys » (Françoise Marcard, historienne)

- Proclamée le 4 septembre 1870, après la défaite impériale de Sedan, la III° République n’est d’abord qu’un régime provisoire de Défense nationale (proclamée à Paris lors de ce vide politique). Elle va devoir s’installer, convaincre car la majorité des français ne semblent pas la souhaiter.

- En 1871, Les républicains sont minoritaires à l’assemblée nationale (assemblée majoritairement monarchiste) et doivent faire face à l’épisode de la Commune (insurrection populaire parisienne matée dans un bain de sang).

- Le 16 mai 1877, une crise politique va donner raison à la République : Mac Mahon, président de la République, monarchiste, hostile à des lois sur la presse dissout la chambre=> de nouvelles élections législatives donnent raison aux républicains. Le droit de dissolution ne sera jamais plus utilisé sous la III°.

- Les lois constitutionnelles de 1875 (votées à une voix de majorité) apportent la légalité institutionnelle : Régime parlementaire / Chambre élue au SU direct = caractère démocratique / Sénat : 75 des sénateurs sont inamovibles = caractère aristocratique, les autres sont élus au SU indirect et renouvelables par tiers tous les 3 ans / Les deux chambres = pouvoir législatif / Président doté de larges pouvoirs (nomination ministres et fonctionnaires, force armée, initiative des lois, exécute les lois. + pouvoirs sur Sénat et Chambre (droit de les convoquer, de les ajourner, de fermer une session, de dissoudre la chambre après avis du Sénat) / Mais faiblesse de la fonction présidentielle car le président est nommé par les chambres réunies en Assemblée nationale. Même s’il est élu pour 7 ans et rééligible, il tient ses pouvoirs de l’Assemblée. D’autre part, il est irresponsable : chacun de ses actes doit être contresigné par un ministre.

B. Stratégies et instruments utilisés par le pouvoir républicain pour obtenir le soutien de la population

- Mesures pour gagner l’adhésion des Français

Les lois : Presse + réunions publiques autorisées 1881-1884 => la liberté d’expression est garantie

Sociales 1881-1884

Syndicalisme autorisé 1884 = loi Waldeck Rousseau : autorisation des associations patronales et ouvrières

Association 1901

Séparation Eglise-Etat 1905 : jusqu’alors, les rapports entre l’Etat et l’Eglise étaient définis par le Concordat (1802) ; le catholicisme était « la religion de la grande majorité des citoyens français », les ministres des cultes recevaient un traitement du gouvernement (comme les fonctionnaires) ; le gouvernement nommait les évêques. Avec la loi de  séparation on reconnaît la liberté de culte, les prêtres ne sont plus payés par l’état, les biens doivent être rendus  (inventaires parfois très impopulaires)

Instruction (Lois Jules Ferry) 1881/82 : laïcité (= neutralité de l’état à l’égard des confessions religieuses), gratuité, caractère obligatoire pour les enfants de 6 à 13 ans

Les symboles / fêtes : 1880 : 14 juillet devient fête nationale et La marseillaise devient l’hymne national / Adoption définitive du drapeau tricolore

- Valeurs républicaines que ces lois désirent renforcer : Démocratie, Suffrage universel, Egalité (=> enseignement ; pas d’égalité sans éducation ), Patriotisme (pas uniquement une valeur de droite) et nationalisme, cf « Le tour de France par deux enfants » : manuel de primaire paru en 77 qui raconte les aventures de deux jeunes gens quittant la Lorraine après son annexion par l’Allemagne ; C’est à la fois un livre de lecture et de morale, un guide géographique et historique et une défense des valeurs patriotiques. Dans le même temps, en 89, le service militaire de trois ans, obligatoire pour tous les hommes, brasse les catégories sociales et leur fait prendre conscience de leur appartenance commune à une même patrie

- Influences que les républicains cherchent-ils à gommer : Celle de l’Eglise et celle des notables

C. Les Français se sont-ils facilement mobilisés, quel bilan peut-on en tirer ?

- Le SU ne fait plus débat (il est profondément ancré dans les campagnes après la loi de 84 qui donne à toutes les communes –sauf Paris- le droit d’élire leur maire) à l’exception du vote des femmes.

- L’école a-t-elle vraiment pu donner la même chance à tous ? Les élèves doivent fournir leur propre encre, une plume, du papier : les plus pauvres sont exclus



Conclusion : Les républicains s’appuient sur les idéaux de la révolution française (garantie des libertés individuelles- souveraineté populaire) ainsi que sur le positivisme (doctrine née au milieu du XIX° qui rejette toute connaissance non fondée sur la raison et l’observation scientifique).



II. La République, un idéal en construction permanente

A. L’affaire Dreyfus

- Plusieurs crises ébranlent la République à partir de 1889 (contestations des monarchistes, affaire Boulanger, scandale de Panama en 92, action terroriste des anarchistes (assassinat du président Sadi Carnot en 94) mais l’affaire Dreyfus divisera les républicains (dreyfusards / antidreyfusards) sur fond d’antisémitisme. Cette affaire d’espionnage va devenir une affaire d’opinion.

- L’affaire a déclenché l’engagement des intellectuels dans la vie politique. Elle met en évidence un double système de valeurs :

Dreyfusisme

Vérité, Justice,  Raison, Universalisme et  Droits de l’Homme (individualisme)                                                            

Antidreyfusisme

Autorité, Ordre, Instinct, Nationalisme exclusif- xénophobie – antisémitisme et Préservation sociale, le groupe est supérieur à l’individu (holisme)                                        

- L’affaire aboutit à une définition nouvelle du nationalisme français => il appartient dorénavant à la droite conservatrice. C’est un nationalisme exclusif avec ses phobies : Le système parlementaire, l’espionnage, allemand, l’étranger, le juif. Il prétend défendre une entité française enracinée dans l’histoire, dans un peuple, dans une religion. Cette entité est frappée de décadence et menacée par les étrangers. Une famille politique va s’efforcer de représenter ce nouveau nationalisme. (Ex : L’Action française de Charles Maurras)

- L’affaire révèle l’ampleur de l’antisémitisme français (mais constitue aussi une mise en garde contre la haine raciale). Trois sources antisémites apparaissent : Catholique (hostile au peuple déicide), Socialiste (Fourier/ Proudhon = Le juif incarne le marchand, le négociant, la spéculation) et une dérivée des grandes découvertes réalisées dans le domaine de la biologie avec la mise en forme d’un concept de « race »

- Cependant, la République résiste à l’affaire et est sauvegardée et les ligues nationalistes sont poursuivies.

B. Les combats de la Résistance et la refondation républicaine (De la défaite de 1940 à l’instauration de la IV° République)

1) La défaite de 40 provoque l’arrivée du maréchal Pétain au pouvoir, quels sont les caractères de ce régime ?

Le régime de Vichy est un régime autoritaire (« L’Etat français » dispose d’une milice, Organisation qui collabore avec la gestapo pour arrêter les Juifs, les résistants et les réfractaires au STO), personnel et antirépublicain (Concentration des pouvoirs, disparition des assemblées, politique antisémite, collaboration avec l’Allemagne nazie).

2) Comment la Résistance parvient-elle à faire triompher les valeurs républicaines, à refonder la république ?

a) Les valeurs résistantes sont –elles les valeurs de la République ?

Les valeurs de la République occupent une place modeste dans les motivations des premiers résistants (refus de la présence de l’occupant, lutte contre le fascisme sont les principales motivations). Ce n’est qu’à partir de l’été 1941 que la lutte contre Vichy et la réaffirmation de l’idée républicaine deviennent une priorité pour la Résistance intérieure et extérieure : La République devient le dénominateur commun entre les différents mouvements de résistance.

b) Par son fonctionnement même, la Résistance est une démocratie à l’œuvre.

Sur le plan politique, les élections de 1945 marquent un déplacement des forces politiques vers la gauche, avec l’effacement de la droite, le déclin des partis de gouvernement de la III° République et l’affirmation des mouvements issus de la Résistance dominés par les socialistes et les communistes. Mais le retour du parlementarisme entraîne celui du jeu des partis politiques et aboutit, à l’opposé de l’esprit de la Résistance et des conceptions du général de Gaulle, à l’établissement en 1946 d’une république proche dans son fonctionnement de la précédente.

 C. 1958 – 1962, une nouvelle République

1) L’ampleur du changement introduit par la crise du 13 mai 1958

Le 13 mai 1958, les partisans de l’Algérie française s’emparent du pouvoir à Alger. Ils forment un comité de salut public et appellent le général de Gaulle pour assumer le pouvoir. De Gaulle est investi des pleins pouvoirs le 1er juin 1958 pour 6 mois avec la charge de préparer une nouvelle Constitution.

En septembre 1958, les Français adoptent par référendum la nouvelle Constitution (79% de oui)

2) La V° république et de Gaulle

Le nouveau régime repose sur :

- La concentration des pouvoirs entre les mains du Président : Le Président est le chef des armées, il nomme le 1er ministre qui constitue son gouvernement. On parle d’un exécutif à deux têtes mais le 1er ministre est révocable par le Président.

- L’utilisation de moyens extraordinaires comme l’article 16 : Possibilité d’obtenir les pleins pouvoirs en cas de menace sur les institutions et gouverner par ordonnances (Utilisé lors du putsch d’Alger en 1961)

- L’établissement d’un dialogue direct avec les Français par le biais du référendum et des médias.

Il s’agit donc d’un régime mixte ou semi présidentiel, c'est-à-dire un régime parlementaire puisque le gouvernement est responsable devant l’Assemblée nationale mais avec des pouvoirs étendus pour le Président.

3) 1962 : Le « commencement absolu de la Ve République » (Raymond ARON)

1962 : De Gaulle échappe à un attentat de l’OAS => émotion très vive et climat propice aux projets. De Gaulle veut achever son œuvre constitutionnelle et propose l’élection du président au SU direct. (Vu par certains comme contraire aux traditions républicaines car trop présidentiel : Une motion de censure (Déposée par des députés, si elle est votée, le gouvernement doit démissionner) est déposée. => De Gaulle dissout l’AN.

Un référendum est proposé aux français : Ils répondent favorablement à cette réforme de la constitution et légitiment les actions de Gaulle.

Conclusion : Cette réforme ouvre sur l’avenir en ce qu’elle annonce le fonctionnement des institutions pendant les décennies postérieures : Domination du président, tendance à la bipolarisation de la vie politique, rôle majeur de l’élection présidentielle. Elle favorise la personnalisation de la vie politique qu’accélèrent les progrès de la médiatisation.

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