lundi 13 février 2012

Hitler : La défaite finale et la mort


Les ordres d’Hitler à ses troupes deviennent de moins en moins possibles à exécuter, compte tenu de l’écrasante supériorité de l’Armée rouge et des Alliés. Les réunions entre Hitler et son chef d’état-major (depuis juillet 1944) Heinz Guderian sont de plus en plus houleuses et ce dernier finit par être renvoyé le 28 mars 1945.

Devant ses proches, Hitler déclare que les « armes miracles » vont renverser la situation (dont les V1 et V2, les premiers missiles, assemblés notamment dans le tunnel mortifère du camp de concentration de Dora-Mittelbau, ou encore les premiers chasseurs à réaction Messerschmitt Me 262), ou encore que de même que son héros Frédéric II de Prusse avait jadis été sauvé par un retournement d’alliance in extremis, de même les Alliés arrêteront de combattre le Troisième Reich pour s’attaquer à l’Union soviétique.

En fait, depuis la conférence de Casablanca en janvier 1943, les Alliés sont sans ambiguïté sur l’exigence d’une capitulation sans condition et sur la dénazification de l’Allemagne et le châtiment des criminels de guerre. Quant aux « armes nouvelles », elles auraient été tout à fait insuffisantes, et Hitler a lui-même gâché ses dernières chances en affichant longtemps son mépris pour les « sciences juives » dont la physique nucléaire (une des causes du retard pris aux recherches sur la bombe atomique), ou encore en exigeant, contre l’avis de tous les experts, de construire les avions à réaction non pas comme chasseurs, ce qui aurait pu faire basculer la guerre aérienne, mais comme bombardiers - pour pouvoir reprendre la destruction des villes anglaises. Dans les derniers mois du conflit, Hitler, dont la santé décline rapidement, n’apparaît plus en public, ne parle plus guère à la radio, et reste la plupart du temps à Berlin. C’est Joseph Goebbels, le chef de la propagande, par ailleurs commissaire à la défense de Berlin et responsable de la Volkssturm, qui se charge d’exhorter les troupes et les foules. Le lien entre les Allemands et le Führer se distend. Hitler n’a jamais visité une ville bombardée ni un hôpital civil, il n’a jamais vu aucun des réfugiés qui fuient l’avancée de l’Armée rouge par millions à partir de janvier 1945, il ne se rend plus de longue date au chevet de soldats blessés, et a cessé depuis fin 1941 de prendre ses repas avec ses officiers ou ses soldats. Sa glissée hors du réel s’accentue.

Convaincu que le peuple allemand ne mérite pas de lui survivre puisqu’il ne s’est pas montré le plus fort, Hitler ordonne le 19 mars 1945 une politique de terre brûlée d’une ampleur inégalée, incluant la destruction des industries, des installations militaires, des magasins et des moyens de transport et de communication, mais aussi des stations thermiques et électriques, des stations d’épuration, et de tout ce qui est indispensable à la survie élémentaire de ses concitoyens. Cet ordre ne sera pas respecté. Albert Speer, ministre de l’armement et architecte du Reich, a prétendu devant le tribunal de Nuremberg qu’il avait pris les mesures nécessaires pour que les directives de Hitler ne soient pas accomplies par les gauleiters. En avril 1945, le Reich est aux abois : le Rhin franchi par les Occidentaux le 23 mars, les villes matraquées par des bombardements quotidiens, les réfugiés fuyant en masse de l’Est, les Soviétiques approchant de Vienne et de Berlin. Dans les rues assaillies de ces deux villes, les SS pendront encore en public ceux qui parlent de cesser un combat sans espoir. Les dernières images d’Hitler filmées, en pleine bataille de Berlin, le montrent décorant ses derniers défenseurs : des enfants et des pré-adolescents.

Le 20 avril, les hauts dirigeants nazis viennent une dernière fois saluer hâtivement leur maître pour son anniversaire, avant de tous s'enfuir précipitamment loin de Berlin, attaquée par l'Armée Rouge.

Terré au fond de son Führerbunker, Hitler refuse de partir pour la Bavière et choisit de rester à Berlin pour mieux mettre en scène sa mort. Au cours de séances quotidiennes de plus en plus orageuses, tandis qu'au-dehors la plus grande bataille de la guerre fait rage, il continue à ordonner d'impossibles manœuvres pour délivrer la capitale vite encerclée. Le 22 avril, comprenant la vanité de ces tentatives, il entre dans l'une de ses plus terribles colères, avant de s'effondrer en reconnaissant enfin pour la première fois que « la guerre est perdue ». La décision du suicide est prise dans les jours suivants.

Le 23, Albert Speer revient en avion dans Berlin assaillie pour refaire ses adieux à Hitler. Il lui avoue avoir saboté la politique de la terre brûlée, sans que le dictateur ne réagisse, et s’en va en n’ayant obtenu qu'une molle poignée de main de son idole. Les dernières crises internes du régime ont lieu le  soir du 25. Hermann Göring, toujours nominalement héritier de Hitler, lui envoie de Bavière un télégramme lui demandant s'il peut prendre la direction du Reich conformément aux dispositions de 1941. Persuadé par Bormann d'y voir à tort un ultimatum et un coup de force du Reichsmarschall, Hitler, furieux, destitue Göring et le fait assigner à résidence par les SS. Sa fureur redouble le 27 quand la radio alliée lui apprend que son fidèle Himmler a tenté à son insu de négocier avec les Occidentaux. Cependant, certaines recherches récentes forment l’hypothèse que Himmler aurait négocié avec les Alliés sur ordre de Hitler lui-même. Il fait fusiller dans les jardins de la chancellerie le beau-frère d’Eva Braun, le dirigeant SS Hermann Fegelein, agent de liaison de Himmler. Dans la nuit du 29 avril, après avoir épousé Eva Braun, Hitler dicte à sa secrétaire Traudl Junge un testament privé puis un testament politique, exercice d'autojustification où il nie sa responsabilité dans le déclenchement de la guerre. Curieusement, le texte ne dit mot du bolchévisme, au moment même où les Soviétiques s'emparent de Berlin. Par contre, l'obsession antisémite d’Hitler y apparaît toujours intacte. Il exclut Himmler et Göring du NSDAP, écarte Speer, Ribbentrop et Keitel, promeut Goebbels à la Chancellerie et confie la tête de ce qui reste du Reich au grand amiral Karl Dönitz.

Le 30 avril, vers quinze heures trente, alors que l’Armée rouge n’est plus qu’à quelques centaines de mètres du bunker, Adolf Hitler se suicide en compagnie d’Eva Braun. On suppose généralement que le poison utilisé par Eva Braun était du cyanure de potassium, mais Ian Kershaw soutient que le poison fourni à tous les occupants du bunker était de l’acide prussique. Hitler se donne la mort d’une balle dans la bouche. On retrouvera son pistolet à ses pieds. Une affirmation fréquente précise qu’il aurait mordu la capsule juste avant ou presque en même temps qu’il se serait tiré une balle dans la tempe, mais Kershaw affirme qu’il est impossible de tirer juste après avoir mordu un tel poison, et que le corps de Hitler n’ayant pas dégagé l’odeur d’amande amère caractéristique de l’acide prussique et constatée sur celui d’Eva Braun, il faut conclure à la mort par balle seule ; de nombreuses autres thèses circulent, impliquant parfois qu’un autre ait tiré la balle, mais elles sont considérées comme fantaisistes.

Pour ne pas voir son cadavre emporté en trophée par l’ennemi (Mussolini a été fusillé le 28 par les partisans italiens et son corps pendu par les pieds devant la foule à Milan), Hitler a donné l’ordre de l’incinérer. C’est aussitôt chose faite par son chauffeur Erich Kempka et son aide de camp Otto Günsche, dans un cratère de bombe près du bunker. La pluie d’obus soviétiques labourant Berlin a presque certainement détruit l’essentiel des deux corps. Refusant de survivre à son maître malgré ses ordres, et considérant qu’il n’y a plus de vie imaginable dans un monde sans national-socialisme, Goebbels se suicide le lendemain avec sa femme Magda, après avoir empoisonné leurs six enfants. Ce même 1er mai, la radio apprend aux Allemands la mort de leur dictateur, en laissant croire qu’il a été tué le jour même et les armes à la main. Le 2 mai, après avoir signé la capitulation de Berlin, le général Weidling rétablit la vérité au micro et accuse Adolf Hitler d’avoir abandonné  soldats et civils. Dans les villes ruinées ou sur les routes, la masse des Allemands d’abord soucieuse de survie restera plutôt indifférente à la fin de Hitler. Le 4 mai, la 2e DB du général Leclerc s’empare symboliquement du Berghof, la résidence du Führer à Berchtesgaden. Le 8 mai 1945, le Troisième Reich capitule sans condition. Au même moment, l’ouverture des camps de concentration révèle définitivement l’ampleur de l’œuvre de mort hitlérienne. « La guerre de Hitler était finie. Le traumatisme moral, qui était l’œuvre de Hitler, ne faisait que commencer » (Ian Kershaw).

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