lundi 13 février 2012

Hitler, Erreurs et premiers échecs (1941)


Hitler s’avère aussi et surtout être un commandant en chef brouillon et imprévisible, dédaigneux de l’opinion de son état-major. Il peut compter sur la très grande servilité de celui-ci, et en premier lieu du chef de l’Oberkommando der Wehrmacht (OKW, haut commandement des forces armées), Wilhelm Keitel. Chez Hitler, un manque fréquent de réalisme se double souvent d’impairs stratégiques. En outre, le Führer est inconscient de bien des problèmes du front. Comme Adolf Hitler accueille très mal les mauvaises nouvelles et tout ce qui ne correspond pas à ses plans, ses subordonnés hésitent à lui transmettre certaines informations.

Sa première grave erreur a été d’ouvrir un deuxième front, en envahissant l’immense Union soviétique sans avoir terminé la guerre contre le Royaume-Uni. Toujours persuadé d’avoir une tâche monumentale qu’il aura du mal à réaliser en une seule vie, il souhaite attaquer l’URSS, principal réservoir d'« espace vital » et ennemi principal doctrinal, dans des délais rapides. À partir de décembre 1940, il planifie une guerre d'extermination terroriste à l'Est : il ne s'agit pas seulement de détruire le bolchevisme, mais au-delà, comme déjà en Pologne asservie, de détruire l'État, de réduire les populations civiles à l'état d'esclaves et de sous-hommes, de vider par les massacres et les déportations les territoires conquis de leurs Juifs et de leurs Tziganes, afin de laisser la place à des colons allemands.

Au lancement de l’opération Barbarossa contre l’Union soviétique en juin 1941, Hitler, considérant que l’Armée rouge s’écroulera rapidement, envisage d’atteindre avant la fin de l’année une ligne Arkhangelsk-Astrakhan. Il interdit à ses troupes d'emporter du matériel d'hiver.

Il divise son armée en trois groupes : le Groupe d’armée Nord (GAN) ayant pour objectif Leningrad, le Groupe d’armée Centre (GAC) ayant pour objectif Moscou, et le Groupe d’armée Sud (GAS) ayant pour objectif l’Ukraine. À ce dispositif s’ajoutent les alliés finlandais au Nord, hongrois, roumains et italiens au Sud, ces derniers étant considérés comme peu fiables par Hitler et son état-major.

En août 1941, Hitler donne la priorité à la conquête de l’Ukraine, objectif économique primordial avec ses terres céréalières et ses mines, par le GAS, mais aussi objectif stratégique, car une très grosse part de l'Armée Rouge est concentrée autour de Kiev : marcher directement sur Moscou avant d'avoir détruit ces réserves, comme le voudraient de nombreux généraux allemands, exposerait dangereusement le flanc de la Wehrmacht aux yeux de Hitler. Ce faisant, le Führer oblige le GAC à stopper, alors qu’il était parvenu à 300 kilomètres de Moscou. L’offensive sur ce secteur reprend en octobre, mais ce contretemps fait intervenir un adversaire redoutable : l’hiver russe.

Hitler a négligé ce facteur autant qu’il a sous-estimé, par haine des Slaves et du communisme, la qualité et la combativité des « sous-hommes » soviétiques. Son racisme lui fait aussi interdire formellement à l'armée d'invasion de se chercher des alliés parmi les nationalistes locaux et les ennemis du régime stalinien. Au contraire, les déchaînements de cruautés contre les civils et la mise en œuvre des crimes de masse prémédités aliènent très vite à Hitler les populations soviétiques, rejetées dans les bras d'un Staline qui sait proclamer l'union sacrée. L’arrivée de troupes fraîches de Sibérie permet de dégager Moscou et de faire reculer des Allemands mal préparés aux dures conditions climatiques. La Wehrmacht a alors perdu 700 000 hommes (tués, blessés, prisonniers), soit un quart de son effectif sur ce front. Le 19 décembre 1941, alors que la retraite menace de se transformer en débâcle incontrôlable comme celle qui avait fait disparaître la Grande Armée napoléonienne en 1812, Hitler prend directement le commandement de la Wehrmacht sur le front russe, évinçant le général von Brauchitsch ainsi que Guderian, von Bock et von Rundstedt. Il interdit catégoriquement toute retraite, tout repli même stratégique, allant jusqu'à faire condamner à mort des officiers et des généraux qui en effectuent en lui désobéissant. Les ordres draconiens du Führer parviennent de fait à stabiliser le front à quelque 150 km de Moscou, au prix de terribles souffrances des soldats. Désormais, la guerre-éclair a fait son temps et Hitler a perdu tout espoir d'une guerre courte. De surcroît, c'est au même moment qu'il déclare la guerre aux États-Unis, le 11 décembre 1941, peu après l'attaque de Pearl Harbour le 7, dont ses alliés japonais ne l'avaient même pas prévenu, et sans bénéfice aucun pour le Reich, puisque l'empire japonais ne déclare nullement la guerre à l'URSS. Le Führer a fait donc inconsidérément entrer en lice le plus grand potentiel économique du monde, hors d'atteinte de ses Panzer et de ses bombardiers.

Hitler est désormais le maître absolu de l'armée et des opérations (même Staline laisse après 1942 la bride sur le cou à ses généraux, tandis que Churchill, Roosevelt et de Gaulle ne prennent guère que des décisions politiques). Si l'échec frustrant devant Moscou radicalise encore ses projets meurtriers (sa décision d'exterminer tous les Juifs d'Europe est prise au moment du ralentissement de l'avancée en Russie), Hitler dispose encore de forces armées redoutables et reste pour l'heure le maître tout-puissant de l'Europe conquise, des portes de Moscou à l'Atlantique.

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