jeudi 6 octobre 2011

La Belle Epoque


La « Belle Époque » est une période historique de progrès social, économique, technologique et politique en Europe, s'étendant de la fin du XIXe siècle au début de la Première Guerre mondiale en 1914. L'expression est née après la Première Guerre mondiale pour évoquer la période antérieure à la Grande Guerre et postérieure à la dépression économique de 1870 à 1895. Dans cette désignation, il y a une part de réalité (expansion, insouciance, foi dans le progrès…).

Après la guerre franco-prussienne, l'Europe vit une longue période de paix de quatre décennies, chose rare et favorable aux progrès économiques et techniques. Tous ces progrès touchent plus particulièrement la France, le Royaume-Uni, la Belgique, l'Allemagne, l'Italie et l'Autriche-Hongrie. Dans toute l'Europe, la main-d’œuvre s'organise en syndicats ou en partis politiques : c'est pendant cette période qu'apparaissent les premiers partis politiques socialistes européens, de plus en plus influents. Les populations de cette époque sont très optimistes et insouciantes quant à l'avenir, grâce aux extraordinaires progrès techniques. Le positivisme (foi en la science) et le scientisme (la science explique tout) font leur apparition. La Belle Époque se fait ressentir essentiellement sur les boulevards des capitales européennes, dans les cafés et les cabarets, dans les ateliers et les galeries d'art, dans les salles de concert et salons - fréquentés par une bourgeoisie moyenne qui profite des progrès économiques.

Après la grande dépression des années 1873 à 1896, la France entre dans une période de croissance soutenue dans le cadre de la deuxième révolution industrielle. La France s'est beaucoup agrandie pendant le Second Empire. Elle a acquis Nice et la Savoie, mais elle perd l'Alsace-Lorraine (l'Alsace en totalité et la Lorraine en partie) au traité de Francfort de 1871 et tombe dans un nationalisme revanchard, bien moins généralisé cependant qu'on ne le laisse entendre aujourd'hui. L'espace national s'unifie en intégrant les nouvelles provinces et les campagnes; ainsi le tacot, dont le réseau ferroviaire se densifie, contribue à désenclaver les campagnes (loi Freycinet). En effet, la population, qui s'urbanise progressivement, reste en majeure partie rurale (56 % en 1911). La démographie française reste en revanche peu dynamique. La population française, toujours très hiérarchisée, prend conscience d'appartenir à une seule et même nation et acquiert la fierté d'être une grande puissance. Les classes moyennes exercent un poids important dans les conditions de la vie politique nationale, marquée par la constitution de nouveaux partis libéraux (modérés et radicaux), avec un large consensus républicain et patriotique. Paris est une ville en pleine urbanisation et de modernisation à l'image de la France ; Elle incarne à elle seule le prestige de la France sous la Belle Époque. Déjà fortement rénovée par Georges Eugène Haussmann, elle devient de plus en plus peuplée. Ce constat positif sur la Belle Époque doit cependant être nuancé puisque l'on observe en France un retard économique indéniable dû à des problèmes d'ordre démographique (peu de naissances, malthusianisme), structurel (une majorité de très petites entreprises, très peu de salariés et un artisanat très attaché à la tradition qui ralentissent la production), malgré de nombreux investissements à l'étranger (les emprunts russes), et dans le domaine de l'agriculture (main d'œuvre agricole trop nombreuse: 40% des actifs travaillent dans l'agriculture contre seulement 32% dans le secondaire et 28% dans le tertiaire). Ce retard dans le domaine agricole est dû à de petites propriétés héritées pendant la Révolution de la vente des domaines cléricaux, sur lesquelles on pratique la polyculture et l'élevage extensif ; de plus, la mécanisation agricole bien qu'existante, reste minoritaire. La France reste tout de même la quatrième puissance mondiale. De 1871 à 1913, le taux de croissance du PIB par tête (1,4 % par an) est inférieur à celui de l'Allemagne (1,7%) mais supérieur à celui du Royaume-Uni (1,2%).

La culture politique dominante était la République, sous la forme française de la démocratie libérale avec un large consensus patriotique. La culture républicaine s'est imposé progressivement en s'enracinant dans des fêtes, rites et symboles nationaux, comme la Marseillaise (hymne national en 1879) et la fête nationale du 14 juillet (fête nationale en 1880). La culture républicaine se voulait héritière du libéralisme des Lumières et s'inscrivait autour du positivisme. La culture dominante a essayé de répondre aux attentes de la classe moyenne et bourgeoise en protégeant notamment les droits des individus et en favorisant la liberté d'entreprise. Elle a eu un rôle décisif sur la laïcité, l'instruction publique et la formation du citoyen. Le président du Conseil et l'ancien ministre de l'Instruction publique, Jules Ferry, instaure plusieurs grandes lois, la loi du 21 décembre 1880 qui ouvre aux filles l'accès à l'enseignement secondaire public, la loi du 16 juin 1881 qui établit la gratuité de l'enseignement primaire, et enfin la loi du 29 mars 1882 qui rend l'enseignement public, laïc et obligatoire. La sécularisation opérée par Jules Ferry a seulement réduit la place de la religion dans la définition des normes du savoir, des mœurs et dans l'espace public en général. Les émeutes ouvrières de juin 1848 et la Commune de 1871, ont longtemps cultivé une légende noire et un souvenir horrifiant pour les principaux acteurs de la IIIe République. Dans ce contexte, le ministre Waldeck-Rousseau abolit la loi Le Chapelier (1791) le 21 mars 1884 et autorise les syndicats ouvriers. Les démocrates sont incarnés entre autres par Édouard Herriot et Anatole France. D'autres cultures politiques nourrissent la vie politique : l'anarchisme, le socialisme, le radicalisme, le pacifisme, le patriotisme et le nationalisme (Maurice Barrès, Jacques Bainville, Action française) ; et faits politiques majeurs, tels l'affaire Dreyfus, ou l'Affaire Boulanger, un mouvement antiparlementaire de gauche et d'extrême-gauche né du Scandale de Panamá. L’Affaire Dreyfus a durablement marqué les esprits, tant par son hostilité que son intensité, et malgré la grâce présidentielle dont a joui le militaire en 1901, cette affaire a eu pour conséquence de constituer en France deux blocs antagonistes, sur un fonds religieux. Après l'affaire Boulanger, la droite devient dominante notamment en récupérant le flambeau nationaliste, et parce que les penseurs républicains sortent grandis de l'affaire Dreyfus. De nombreux intellectuels basculent vers la droite (Péguy, Halévy). La France connait une certaine fracture religieuse aux débuts des années 1900, appelée parfois la « guerre des deux France ». L’année 1902 voit la victoire aux élections du Bloc des Gauches et la nomination au poste de Président du Conseil d’Emile Combes, figure du radicalisme et anticlérical convaincu. La place de l’Église catholique dans les affaires politiques provoque de violentes querelles (« le cléricalisme, voilà l’ennemi ! ») entre des partis cléricaux et des groupes politiques anticléricaux souvent à gauche et représentés à la chambre des députés. L’anticléricalisme est donc la réaction contre cette tendance à subordonner le politique au religieux. Edgar Quinet voulait par exemple détruire toutes les églises et instaurer un athéisme et un laïcisme à l'ensemble de la société. Ces attaques frontales, aboutissent aux Loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, dont Jules Ferry reste cependant à l'origine de la sécularisation concrète et réelle (l’enseignement public, laïque et obligatoire). La laïcité telle qu’elle s’est construite en France à partir de la loi de Séparation de l’Église et de l’État de 1905, a assuré la liberté de conscience et d’expression de chacun.

La France de la Belle Époque est aussi l'un des plus grands empires coloniaux de l'époque. Cet empire est exposé lors des Expositions universelles. La colonisation était à l'époque souvent perçue comme positive parmi une certaine élite républicaine, souvent de gauche, et les critiques ont mis du temps à se mettre en place, mais elles ont existé ; Georges Clemenceau (parti radical) s'y est opposé avec véhémence lors de joutes oratoires contre Jules Ferry. Excepté la gauche classique, la droite monarchiste (Maurras) et une certaine frange marginale de la gauche marxiste ou encore la masse des paysans et ouvriers, ont toujours été contre la colonisation lors de la Belle Époque.

Les actifs de l’agriculture représentent encore 44 % de la population totale en 1906, soit un peu plus tard (1911) 5,3 millions d’hommes et 3,2 millions de femmes. Les situations personnelles sont assez variables, mais sur ce total, environ la moitié est composée d’ouvriers agricoles. Ce sont pour la plupart des domestiques, des « valets de ferme » qui s’engagent pour un an à la Saint-Michel, au moment de la «foire aux valets». Les conditions de vie sont difficiles, différentes d’une région à l’autre, un peu plus favorables dans les provinces des vignobles ou des grandes cultures céréalières. Dans l’ensemble, c’est l’impression d’une grande pauvreté du monde rural, même chez les propriétaires étant donné la faible superficie des exploitations qui domine. La crise agricole qui se manifeste dans les années 1890 favorise un exode rural déjà entamé qui alimente en main-d'œuvre les centres industriels qui se développent ou la nombreuse domesticité (des femmes surtout) dans la bourgeoisie citadine. La volonté d’instruire les Français a conduit les différents gouvernements à généraliser les obligations scolaires dans les campagnes avec l’espoir d’homogénéiser les mentalités quitte à lutter contre les différences régionales et à estomper l’empreinte des cultures provinciales (par exemple l'interdiction de parler le breton même pendant les récréations). Ces projets coïncident avec le souci d’attacher à la République un électorat stable.

La haute société mêle l’ancienne aristocratie bien implantée par ses propriétés rurales dans les provinces et la grande bourgeoisie d’affaires, des capitaines d’industrie (Schneider par exemple) et de hauts fonctionnaires, des hommes politiques ou des médecins célèbres constituent des élites qui partagent fortune, puissance et influence. Les traditions familiales varient quelque peu pour chacun de ces groupes mais ils partagent le même genre de vie et fréquentent les mêmes lieux. À Paris, ils vivent dans des hôtels particuliers servis par de nombreux domestiques et animent la «saison», c’est-à-dire la période des réceptions et des spectacles qui ont façonné le mythe de la «Belle Époque». En été, ils s’installent dans leurs châteaux à la campagne ou dans les villas de la côte normande. La moyenne et la petite bourgeoisie quant à elles ont la particularité de ne pas travailler de leurs mains, de rechercher l’ascension sociale et d’aspirer à mener une «vie bourgeoise». Concernant les revenus dont elles disposent, l’échelle se révèle assez étendue: on y trouve des petits rentiers, des cadres et ingénieurs des entreprises industrielles mais aussi des fonctionnaires ainsi que des propriétaires ruraux habitant en ville. Les mentalités ou plus exactement la «morale bourgeoise» qui s’inscrit dans la tradition française appartiennent à ce groupe: il s’agit d’une vie fondée sur la respectabilité et le souci de l’épargne qui assure une certaine aisance et l’obsession des «bonnes manières» inculquées dans la famille.

Les ouvriers forment 30 % de la population à la Belle Époque et sont répartis de la manière suivante : environ 5 millions pour les hommes et 2,5 millions pour les femmes. Dans ces chiffres sont confondus les ouvriers des ateliers hautement qualifiés (artisans), les ouvriers de la grande industrie et les mineurs de fond. Tout les différencie : les salaires d’abord, qui sont par ailleurs plus élevés à Paris qu’en province (presque du simple au double pour un adulte). Les femmes perçoivent un salaire inférieur de 30 à 50 % à celui des hommes. Les conditions de travail sont aussi très diverses : dans les ateliers les ouvriers sont très proches de leur patron qui travaille avec eux depuis la fin de leur apprentissage mais dans les grandes entreprises, la rentabilité est recherchée par tous les moyens et on exige rapidité et efficacité sur des machines de plus en plus rapides et dangereuses. Malgré la dureté de leur condition, les ouvriers ont connu depuis le Second Empire une amélioration de leurs salaires (environ 60 %) et de leur vie quotidienne.

Malgré la faible proportion d’ouvriers syndiqués avant 1914, certaines attentes sont en partie satisfaites: les journées de travail sont réduites à 10 heures par jour pour les trois-quarts des établissements et à huit heures par jour pour les mineurs de fond, le repos hebdomadaire est acquis à partir de 1906. Mais les retraites et l’assurance-chômage ou les remboursements médicaux sont encore du domaine de l’utopie. Les syndicats ouvriers sont pourtant assez combatifs au sein de la C.G.T. En 1906 la charte d’Amiens qui est le document fondateur rappelle à tous que le syndicalisme est indépendant des partis politiques, que les ouvriers entendent penser et agir par eux-mêmes dans le domaine social mais aussi sur le plan politique en s’affirmant plus «révolutionnaires» que la S.F.I.O au moins pendant les premières années. L’originalité de la C.G.T. réside aussi dans le fait qu’elle vise tous les corps de métiers alors que la plupart des syndicats ne s’adressent qu’à une catégorie professionnelle. C’est aussi dans ce sens qu’elle anime les Bourses du travail dans les grandes villes industrielles.

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