jeudi 13 octobre 2011

13 octobre 1946 : La IVe République


Après le gouvernement de Vichy (1940-44) et le gouvernement provisoire né de la libération (1944-46), la France se dote d'une nouvelle Constitution. Après un long processus d'élaboration, le projet constitutionnel est adopté par référendum avec une faible majorité. Il définit un bicamérisme complexe et déséquilibré : la Chambre des députés a un rôle envahissant. Douze ans plus tard, la France adoptera une autre Constitution, celle de la Vème République, qui donnera plus de pouvoir au Président de la République.
Après la Libération, le régime politique de la Troisième République ainsi que de nombreux politiciens sont discrédités pour avoir été incapables de mener la guerre contre l'Allemagne. Pour beaucoup d'autres, et en particulier de Gaulle, l'homme du 18 juin 1940, dont la popularité est immense, de nouvelles institutions s'imposent. À la question des institutions, se pose le problème de la représentativité et de la légitimité du pouvoir, car aucun de ces hommes qui aspirent au changement n'est élu.
Les institutions de la Quatrième République restent proches de celles de la Troisième République : c'est un régime parlementaire bicaméral, avec un chef d'État faible et un gouvernement exerçant l'essentiel du pouvoir exécutif. Le projet de Constitution adopté par le référendum du 13 octobre 1946 entre véritablement en vigueur le 27 suivant. Le pouvoir exécutif est essentiellement exercé par le président du Conseil. Proposé par le président de la République puis investi (accepté par vote à la majorité absolue) par l'Assemblée nationale, il forme une fois confirmé dans ses fonctions un gouvernement s'appuyant sur la majorité politique le soutenant à l'Assemblée. Cependant Paul Ramadier, premier président du Conseil, inaugure la coutume d'une seconde investiture devant l'Assemblée une fois le gouvernement composé, comme cela se faisait sous la Troisième République. Une révision de la Constitution en 1954 établit officiellement une investiture du gouvernement une fois formé par l'Assemblée nationale. La plupart des prérogatives du président du Conseil sont héritées de la Troisième République : il nomme à tous les emplois civils et militaires, exécute les lois, contresigne tout acte du président de la République. Vingt-quatre gouvernements se sont succédé sous la Quatrième République, dirigés par seize présidents du Conseil différents. Le président de la République est élu par le Parlement composé par la réunion des deux chambres (article 29 de la Constitution), pour une durée de sept ans. Son rôle est essentiellement représentatif mais il a deux atouts en main : il nomme le président du Conseil et il a le pouvoir de dissoudre par décret la chambre des députés, suivant une procédure très encadrée. Il garde aussi quelques compétences héritées de la Troisième République, en matière de nominations et de diplomatie : il signe et ratifie les traités et accrédite les ambassadeurs et les envoyés extraordinaires. Il est le chef des armées et préside à ce titre le Conseil supérieur de la défense nationale. C'est aussi lui qui préside le Conseil supérieur de la magistrature. Il conserve enfin le droit de grâce et demeure irresponsable sauf en cas de haute trahison. Les deux présidents de la Quatrième République sont Vincent Auriol, ancien ministre socialiste du Front populaire, et René Coty, classé au centre-droit. Le pouvoir législatif est exercé par le Parlement, constitué de deux chambres distinctes. La principale différence avec la Troisième République réside ici dans le fait que le bicaméralisme est inégalitaire : les deux chambres n'ont pas les mêmes pouvoirs. Le Conseil de la République (chambre haute du parlement), renouvelé par tiers tous les trois ans au suffrage indirect (par un collège électoral composé de grands électeurs représentant les assemblées délibérantes des collectivités locales, élues au suffrage direct) n'a que peu de pouvoirs et peut être comparé au Sénat de la Cinquième République. L'Assemblée nationale (chambre basse) est élue au suffrage universel direct pour cinq ans : la majorité électorale est fixée à 21 ans et les femmes sont intégrées pour la première fois au corps électoral. Titulaire de la majeure partie du pouvoir législatif, elle contrôle directement les gouvernements, qu'elle investit et peut renverser par une motion de censure à la majorité simple. Le principal écueil de la constitution de la Quatrième République est de permettre à l'Assemblée de renverser trop facilement le gouvernement. L'absence de systèmes de rationalisation du parlementarisme dans ce domaine est aggravée par les trop grandes restrictions dans lesquelles est délimité le droit de dissolution. En effet, pour dissoudre l'Assemblée, il faut au moins deux crises ministérielles au cours d'une période de 18 mois et qu'elles se soient soldées par l'adoption d'une motion de censure ou le refus de la confiance de l'Assemblée au gouvernement à la majorité absolue des députés.
I/ UN REGIME PEU POPULAIRE ET AUX FAIBLESSES NOMBREUSES
A/ LA CONSTITUTION DE 1946 : LABORIEUSEMENT MISE EN PLACE ET PEU POPULAIRE
1/ Le temps du provisoire
De Gaulle avait installé un GPRF à Paris dès la libération de la capitale (25/08/1944). Il avait alors formé un gouvernement d’union nationale (regroupant toutes les tendances politiques). Très vite les débats s’étaient engagés pour savoir quelle forme devait prendre la nouvelle république. A travers le référendum du 21 octobre 1945, auquel les femmes participent pour la première fois, les Français avait montré leur volonté d’avoir un régime nouveau (ni Vichy, ni un retour à la 3ème République).
2/ Le départ de de Gaulle
Coïncé entre des anciens de la 3ème République ou des communistes à qui il ne parvient pas à faire passer ses idées sur le nouveau régime à constituer, de Gaulle démissionne brusquement le 20 janvier 1946. Trois partis se retrouvent à force à peu près égale pour établir une nouvelle constitution : le PC, la SFIO, le MRP. La majorité penche largement à gauche (c’est le “tripartisme”).
3/ Une constitution qui déçoit
Un premier projet de Constitution est établi et proposé aux Français. D’inspiration communiste, ce projet est refusé par les Français lors d’un référendum. Un second projet, modifié, est enfin approuvé le 13 octobre 1946, mais à une courte majorité : c’est clair, le projet n’emballe pas, les Français attendaient autre chose. Entre temps, dans un discours prononcé à Bayeux, le Général de Gaulle avait exposé sa conception de la République. Elle était très différente de la nouvelle constitution.
B/ LES FAIBLESSES DU REGIME
De fait, les faiblesses de la Constitution de la 4ème République apparaissent assez vite.
1/ La Constitution assure la primauté du législatif et la faiblesse de l’exécutif
La Constitution reconnait un Président, et deux Assemblées, mais l’Assemblée Nationale s’arroge l’essentiel des pouvoirs. Le Président (élu pour 7 ans mais au suffrage universel indirect) et la seconde assemblée (le Conseil de la République) comptent peu et le gouvernement est également très dépendant des députés. La seule réelle prérogative du Président de la République est de choisir le Président du Conseil. Le pouvoir législatif domine donc le pouvoir exécutif : il est par exemple très difficile de dissoudre cette Assemblée Nationale. De Gaulle souhaitait exactement l’inverse. Le souvenir de Vichy a conduit à affaiblir le pouvoir exécutif, et à revenir à un système très proche de celui de la IIIème République pourtant fort décrié.
2/ Le choix d’un scrutin à la proportionnel pour les élections législatives
Cette faiblesse du pouvoir s’accompagne du choix malheureux du mode de scrutin proportionnel qui ne permet pas de dégager facilement des majorités. En 1946, il semblait pouvoir garantir une certaine stabilité dans la mesure où les 3 principaux partis à l’origine de la création du régime, représentaient environ les 3/4 de l’électorat. Mais, quand le PC quitta le gouvernement et que l’opposition gaulliste se fut structurée, le mode de scrutin proportionnel se montra incapable de dégager des majorités stables.
Dans ces conditions les gouvernements vont se succéder rapidement . Chaque gouvernement formé par le Président du Conseil devait recevoir l’investiture de l’Assemblée Nationale, c’est à dire qu’il devait être approuvé à la majorité des députés pour pouvoir fonctionner. Dans une Assemblée Nationale bloquée à l’extrême par le vote à la proportionnelle, il fut souvent très difficile de trouver une majorité et de nombreuses alliances de circonstances ont cédé dès la survenue de problème.
Cela eut deux conséquences négatives :
- les gouvernements sautaient facilement ce qui discréditaient la classe politique dans l’opinion (notamment pendant certaines “crises ministérielles” où l’on pouvait rester de nombreux jours ou semaines sans trouver un nouveau gouvernement),
- les gouvernements qui voulaient durer un peu évitaient d’aborder des questions trop délicates à gérer et certains problèmes n’étaient pas traités (22 présidents du Conseil de 1946 à 1958 dont certains n’ont duré que quelques jours. Comment mener des politiques de long terme avec une telle instabilité ?). Le divorce entre la classe politique et l’opinion n’a cessé de s’agrandir.
II/ UN REGIME VICTIME DES CIRCONSTANCES
Si la 4ème République a déçu, c’est aussi que le régime a eu des situations très difficiles à gérer : la guerre froide, la décolonisation et la reconstruction, cela faisait beaucoup pour un régime aux bases peu solides. Incontestablement, la 4ème aurait pu mieux tomber...
A/ DES OPPOSITIONS FORTES ET TENACES : COMMUNISME ET GAULLISME
Dès le début, les deux forces les plus puissantes de l’après-guerre s’opposent à la 4ème République. Gaullistes et communistes vont contribuer à la paralyser et la discréditer. 1947 est la date charnière.
L’un et l’autre à partir de 1947 sont résolus contre la IVème République. Or, leur soutien populaire est large. Là aussi la IVème République est au moins en partie victime d’un contexte défavorable et n’a pas de chance :
1/ le PC
Dirigé par Maurice Thorez jusqu’en 1964, le PC reste un parti officiellement marxiste et aligné sur Moscou (c’est le cas depus la 3ème Internationale communiste de 1921). Son influence sur la société française est considérable : ouvriers, artistes, intellectuels sont alors majoritairement communistes ou “compagnon de route”. Pendant l’été 1947, le PC collabore encore à la vie politique du pays, voit même de l’intérêt dans le plan Marshall. Les choses changent à l’automne 1947, avec la création du Kominform : les communistes français envoyés en Pologne sont accusés de “crétinisme parlementaire”, on leur reproche d’avoir participé à des gouvernements bourgeois. Dès lors l’attitude du PC change du tout au tout. Il se mobilise contre les gouvernements, il organise des grèves et des manifestations violentes avec l’aide de la CGT avec qui il est très lié. On craint un coup de force communiste, surtout après le “coup de Prague” de février 1948. La guerre froide, qui éclate officiellement en 1947 le propulse donc dans l’opposition. L’année 1947 constitue un paroxysme dasnces conflits sociaux. Dans ces conditions, le Président du conseil socialiste chasse les communistes du gouvernement en mai 1947. Le PC rentre dans une opposition résolue au régime.
2/ De Gaulle
Son prestige reste intact. Il est l’homme le plus populaire de France et de loin. Son audience dans le pays est également considérable. Mépris de de Gaulle pour la IVème République qu’il veut réformer. Pour lui, c’est le “régime des partis”, dans lequel aucune action politique n’est vraiment possible. Il crée alors un mouvement, le Rassemblement du Peuple Français (RPF) qui triomphe dès les élections municipales de 1947 (40% des voix). Il espère que cet élan contribuera à chasser la 4ème. En fait, il n’en est rien, et, face à ce 1/2-échec, de Gaulle dissout le RPF en 1953 et retourne dans sa retaite, à Colombey, pour y rédiger ses mémoires. C’estle début de la “traversée du désert”.
3/ Le réveil d’une extrême-droite populiste en 1956 : le poujadisme
Droite et extrême-droite avaient été discréditées par Vichy et avaient beaucoup reculé. Les difficultés rencontrées par la 4ème République, notamment en Algérie, amène le renouveau des droites. Les élections de 1956 voient l’arrivée à l’Assemblée Nationale de 52 députés de l’UDCA. L’Union de Défense des Artisans et Commerçants a pour leader un petit cafetier fort en gueule, Pierre Poujade. Le poujadisme est d’abord un mouvement de révolte des petits commerçants qui éprouvent des difficultés. C’est une révolte contre les contrôles fiscaux et les impôts jugés écrasants. Le mouvement prend rapidement de l’ampleur et devient une force politique. Il développe l’antiparlementarisme, le nationalisme et se prononce pour l’Algérie française. Bien que certains de ses membres sont proches de l’extrême-droite (son plus jeune député : Jean-Marie Le Pen), le poujadisme est d’abord un mouvement populiste. Le succès du poujadisme témoigne d’une perte de confiance de l’opinion publique envers le régime de la 4ème République
B/ UNE FRANCE A RECONSTRUIRE
Autre circonstance défavorable : la 4ème République n’a pas eu la chance de gérer une période facile, les difficultés étaient considérables dans un pays ruiné où tout était à reconstruire. Le bilan matériel en 1945 est en effet effroyable pour la France. Les guerres coloniales n’ont rien arrangé :
- bilan humain : 600 000 morts pendant la guerre et un déficit de naissances estimées à environ 1 million d’individus,
- destructions gigantesques : industries, mines, routes, rails, ponts, ports...
- le franc, rongé par l’inflation, ne vaut plus grand chose (50% d’inflation en 1944 !)
- la pénurie subsiste au quotidien pour la population : les 1ères années restent dures (tickets, rationnements, marché noir), l’inflation galopante est supérieure aux hausses de salaires et le pouvoir d’achat diminue, d’où une grogne sociale qui atteint son paroxysme en 1947 (grèves massives).
Pour faire face au gigantesque effort de reconstruction, l’état ä pris l’économie en main :
- l’état nationalise un grand nombre d’entreprises. Le but est de placer entre les mains de l’état les secteurs clés qui commandent le redressement de l’économie, surtout l’énergie, le transport, le crédit. D’où : Charbonnages de France, EDF, GDF, Air France, Renault, Crédit Lyonnais, Société Générale...
- l’état crée le plan : pour organiser la reconstruction, on a créé un commissariat au Plan placé sous la direction de Jean Monnet. Le 1er plan paraît en janvier 1947. Son objectif est que l’économie retrouve en 1948 le niveau de 1929. Priorité est donné à l’énergie qui reçoit l’essentiel des fonds.
La France obtient en outre une importante aide américaine à peu près gratuite.
C/ LE CHOC DE LA DECOLONISATION : INDOCHINE ET ALGERIE
La IVème République hérite dès 1946 d’un très difficile problème à régler : la décolonisation. Or les esprits ont du mal à évoluer sur la question, malgré le ton nouveau adopté dans la Constitution qui crée notamment une Union Française. Les deux guerres coloniales ont miné puis détruit la IVème.
1/ La guerre d’Indochine (1946-1954)
Au lendemain de la guerre, la France essaie de reprendre pied en Indochine. Mais les choses ont beaucoup changé sur place, les Japonais notamment ont beaucoup affaiblit la présence française. L’affaiblissement de la France en Indochine est mise à profit par Hô Chi Minh fondateur en 1930 du PC indochinois et d’un mouvement nationaliste vietnamien (le vietminh) : le 2 sept. 1945, il proclame l’indépendance du Vietnam. La France est prête à quelques concessions mais refuse l’indépendance.
Nommé Haut-commissaire en Indochine, l’amiral Thierry d’Argenlieu s’oppose aux concessions : le 20 nov. 1946 éclate à Haïphong un incident entre soldats français et vietnamiens. Voulant intimider Hô Chi Minh, D’Argenlieu fait bombarder le port d’Haïphong le 20 nov. 1946 tuant 6000 personnes. Le Vietminh réplique par un massacre d’européens à Hanoï. Hô Chi Minh gagne le maquis, la guerre commence. C’est une guerre de guérillas qui convient mal à la France.
Tout change en 1949 : la Chine devient communiste (d’où aide militaire + base de repli et d’entrainement pour le Vietminh). Le conflit devient un conflit de la guerre froide. Les EU soutiennent de plus en plus la France alors que la Chine appuie le Vietminh. La France s’enfonce dans un conflit ruineux où elle a ”tout à perdre et rien à gagner” selon les mots du député de gauche Pierre Mendès-France en 1950 qui est alors le seul à plaider pour un désengagement rapide en Indochine. L’hebdomadaire L’Express (fondé en 1953 presque pour Mendès-France) diffuse ses idées.
Nommé pour mettre un terme à cette “sale guerre”, Pierre Mendès-France entame les négociations. La défaite française à Dien Bien Phu le 7 mai 1954 précipite le mouvement : l’indépendance du nord-Vietnam est signée le 31 juillet 1954 (accords de Genève).
2/ La guerre d’Algérie (1954-1962)
A peine sorti de la guerre d’Indochine, la 4ème République plongeait dans la guerre d’Algérie. Elle allait se révéler être beaucoup plus grave, le régime n’y résista pas.
Novembre 1954 : une série d’attentats éclate partout en Algérie. On ne s’en doute pas encore, mais la guerre d’Algérie vient de commencer. Cette fois l’attitude de Mendès est différente : “On ne transige pas. Ici, c’est la France”. François Mitterrand, alors ministre de l’intérieur, est de son avis (“l’Algérie, c’est la France”). Mendès nomme un gouverneur à poigne en Algérie (Jacques Soustelle), qui pratiquera bientôt une politique de répression.
Que se passe-t-il en Algérie ?
L’Algérie est une terre française depuis 1830, mais elle a un statut différent des autres. L’Algérie n’est pas une colonie, la France a voulu l’intégrer en créant des départements. C’est de plus la seule vraie colonie de peuplement : 1 millions d’Européens y vivent (pas que des Français, aussi des descendants d’Italiens, Espagnols...), ce sont les Pieds-noirs. Face à eux, 9 millions de musulmans.
Dans ces trois départements, les inégalités sont très fortes : les colons, sans avoir un niveau de vie très élevé, ont accaparé toutes les meilleures places et les meilleures terres. Le statut de 1947 qui réglemente la vie politique en Algérie, est inégalitaire : dans les élections les Pieds-noirs ont plus de poids que les Musulmans. Une contestation musulmane existe, mais elle est très divisée et, dans un premier temps, ne réclame pas l’indépendance : ainsi Ferhat Abbas, pharmacien à Sétif, milite pour que l’on traite l’Algérie sur un pied d’égalité sans souhaiter l’indépendance, mais il n’obtient aucun résultat. Le malaise grandit donc progressivement, d’autant que la population musulmane augmente vite et que la France tarde à donner l’égalité tant de fois promise. Le 8 mai 1945, déjà, avait éclaté dans la petite commune algérienne de Sétif d’importantes manifestations. La France les avaient réprimées avec une extrême violence. Las d’attendre les améliorations, des Algériens vont alors constituer un Front de Libération Nationale (FLN) et prennent les armes dans le but d’obtenir le départ des Français. Leur première action importante et une série d’attentats à la Toussaint 1954.
La France qui dispose de gouvernements de gauche (Mendès-Mitterand en 1954, puis Guy Mollet en 1956) refuse pourtant de discuter et de négocier, considérant que “l’Algérie, c’est la France”. Arrivé en 1956, Guy Mollet intensifie même le combat contre le FLN : envoi du contingent, fermeture des frontières avec les autres pays arabes, envoi d’un grand nombre de troupes. Peu à peu le conflit s’envenime : l’armée a du mal à éliminer tous les foyers de guérillas et emploie la torture. La guerre d’Algérie devient le sujet numéro un en France et divise la population entre ceux qui pensent qu’il faut lacher et les autres. Plus grave, les gouvernements de la 4ème ne parviennent plus à maitriser la situation sur place. Alors que le pouvoir à Paris envoi des consignes pas toujours très claires, l’armée sur place entend bien, après l’Indochine, l’emporter. Face aux carences du pouvoir politique, l’armée va de plus en plus prendre des initiatives, discréditant les gouvernements. Ainsi en février 1958 où l’armée décide de sa propre autorité de bombarder le petit village tunisien de Sakhiet car il constitue une base arrière du FLN. L’affaire fait grand bruit et isole la France sur la scène internationale. Le gouvernement couvre...
La crise éclate le 13 mai 1958. Pierre Pflimlin devient Président du Conseil. il est connu pour vouloir trouver une solution négociée avec le FLN. En Algérie, les Pieds-noirs et l’armée qui craignent toute trahison, sont survoltés. Une manifestation tourne à l’insurrection. Un comité de salut public se forme autour des généraux Massu et Salan, prend le pouvoir en Algérie et décide de faire pression sur Paris pour renverser Pflimlin et réclamer le retour du Général de Gaulle dont on est persuadé qu’il est un vif partisan de l’Algérie française. Le 15 mai, de Gaulle se déclare “prêt à assumer les pouvoirs de la République”. Après 15 jours de tractations, Pflimlin est poussé à démissionner et le Président Coty appelle de Gaulle. Le 1er juin 1958, de Gaulle est investi comme Président du Conseil. Il a posé toutefois deux conditions à son retour que le pouvoir, aux abois, lui a accordé : les pleins pouvoirs pour 6 mois et le droit de changer la Constitution. C’était la fin programmée de la 4ème République.
III/ MAIS UNE OEUVRE DURABLE EN DE NOMBREUX DOMAINES
La 4ème république n’a cependant pas démérité en tout, loin s’en faut. Elle laisse une oeuvre importante derrière elle et de nombreux acquis durables.
A/ LE DEBUT DES “TRENTES GLORIEUSES”
1/ A partir des années 50, la situation économique s’améliore franchement. On sort définitivement de l’après-guerre. La France s’engage dans une période de forte croissance qui durera pratiquement sans interruption jusqu’en 1974 (début des “Trente Glorieuses” avec 5% de croissance de l’économie par an), ce qui permet au pays de retrouver, dès le début des années 50, son niveau de production de 1929 (qui avait constitué un record avant la crise).
2/ Le contexte très favorable explique pour une bonne part cette croissance : le monde se reconstruit, la demande est forte et le Baby Boom l’entretient. L’aide Marshall fut également très importante. La 4ème République, malgré les difficultés (guerres coloniales par exemple) a cependant beaucoup contribué à cette expansion :
- au travers des plans : plan Monnet de modernisation et d’équipement (1947), puis plan Hirsch (1954-1957) favorisant les industries de consommation,
- avec l’action d’hommes d’état : Antoine Pinay, président du conseil en 1952, stabilise pour un temps l’inflation et lance un emprunt resté célèbre (3,5% indéxé sur l’or et exonéré d’impôts de succession et sur le revenu). Son action aux effets économiques contestés, a été très populaire et apermis de rétablir la confiance. Il est resté un des hommes politiques les plus appréciés de la 4ème République.Au total, le PNB de la France est en forte croissance dans les années 50 et croît plus vite que celui des EU ou de la GB, seule la RFA parvient à faire sensiblement mieux.
3/ Tous les secteurs ne connaissent toutefois pas la même croissance.
Les plus dynamiques sont alors :
- la production d’énergie (électricité et pétrole), très favorisée par les gouvernements (il y avait urgence en 1945 !). Construction de barrages, recherches de gisement (gaz naturel de Lacq en 1957, pétrole algérien),

- les industries de consommation : automobile, dont la production est en forte croissance (succés de la 4CV Renault et de la 2CV Citroën), pharmacie et hygiène (effet de la création de la “Sécu.”), électroménager dont c’est le boom (tout le monde veut son frigidaire ou sa machine à laver).
L’agriculture se transforme et se modernise peu à peu. Les productions augmentent. Début du remembrement et de la motorisation des campagnes. Il faut dire que cela était nécessaire : la France de 1945 comptait encore 35% d’agriculteurs, l’agriculture n’avait pour dire pas évolué depuis le début du siècle avec des parcelles morcelées, et une ignorance des techniques agricoles modernes.
B/ LE PROGRES SOCIAL
La vie quotidienne des Français s’améliore assez vite à partir des années 50. Symboliquement, on peut dire que l’on sort de l’après-guerre en 1949, lorsque les tickets de pain sont supprimés. La société française change alors rapidement, opère une véritable mutation et abandonne définitivement ses caractères traditionnels : on entre dans une société de consommation.
L’état favorise la hausse du pouvoir d’achat, ce qui entretient une forte consommation très favorable à l’expansion économique. Par exemple, en 1955, un accord entre direction et syndicat est signé chez Renault qui prévoit des hausses de salires sensibles, 3 semaines de congés payés en échange d’un engagement à limiter les jours de grèves.
Cette 3ème semaine de congés payés est généralisée en 1956 par le gouvernement Guy Mollet.
Quelques symboles de cette accession à une société de consommation :
- moulin à café Moulinex en 1956, symbole de l’arrivée massive de l’électroménager dans les foyers,
- succès de la Dauphine Renault en 1956, une des 1ères voitures très populaires,
- 1er vol de la Caravelle en 1955 qui marque les succès technologiques français et le début d’un tourisme international,
Autre soutien de la croissance : le baby-boom. La France se repeuple fortement : 44,3 millions de Français en 1958 (contre 40 M. pendant la guerre). Par ailleurs l’espérance de vie augmente sensiblement (forte chute de la mortalité => 65 ans d’espérance de vie pour les hommes en 1955).
La croissance est telle que, non seulement le plein-emploi est réalisé, mais la France connait une pénurie de main d’oeuvre necessitant un appel à l’immigration.
Une France de plus en plus urbaine (55% en 1946, 65% en 1960). Le début de modernisation de l’agriculture relance un important exode rural. La France perd définitivement son caractère rural et agricole et rentre dans la “modernité”, celle-ci est urbaine. Cela pose un problème nouveau : le renforcement des inégalités régionales, on prend conscience de l’importance de la concentration des activités sur les grandes villes (Jean-François Gravier sort en 1947 son retentissant livre “Paris et le désert français”). La 4ème République débute une politique d’aménagement du territoire qui reste timide (en 1955 la création de nouvelles usines est interdite dans un rayon de 80 km autour de Paris alors que l’on aide les implantations en zone rurale).
Seul véritable point noir, le problème du logement. On manque cruellement de logement pour cette France qui est en pleine expansion démographique : l’appel de l’abbé Pierre, dans l’hiver 54, est là pour témoigner du travail restant à faire.
Certes il y a des perdants : petits paysans ayant dus quitter leurs terres, artisans et petits commerçants victimes de la modernisation. Ils se manifesteront en 1956 au travers du Poujadisme, mais les acquis sont déjà considérables.
C/ LA MARCHE VERS L’EUROPE
Les hommes de la 4ème République ont également à leur actif la promotion de l’idée européenne. Sont en effet alors dans l’opposition les deux principales forces anti-européennes : le parti communiste et les gaullistes. Libéraux, socialistes et démocrates-chrétiens, au pouvoir sous la 4ème République, sont très majoritairement favorables à une construction européenne.
La France joue même un rôle très actif dans cette construction :
- l’idée de créer une CECA revient au français Jean Monnet. Il s’agit de créer une Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier. L’Europe doit se reconstruire et se réconcilier. La France est riche en fer et l’Allemagne riche en coke. Jean Monnet propose de créer un marché commun du charbon et de l’acier pour faciliter le commerce de ces deux produits vitaux au lendemain de la guerre, afin d’accélérer la reconstruction et de créer des solidarités entre pays européens. Il soumet son projet au président du conseil de l’époque, le MRP Robert Schuman. Ce lorrain, lui aussi européen convaincu, va défendre et faire aboutir le projet. C’est le premier élément concret d’une construction européenne qui allie, dès 1951, 6 pays (RFA, Italie, France, Benelux).
- l’initiative de créer une CED revient au français René Pleven. A partir de 1950, les EU poussent au réarmement de la RFA pour s’opposer au bloc soviétique. Cette persppective effrayant un peu la France, celle-ci propose (par la voix de son président du Conseil René Pléven) d’intégrer la nouvelle armée allemande dans une Communauté Européenne de Défense, bref, de créer une armée européenne. Le projet est adopté par les 5 pays européens, mais il est rejetté par le Parlement Français en 1954 : les députés communistes et gaullistes votent massivement contre. Pour le PCF, cette armée européenne ne peut être que dirigée contre Moscou, pour les gaulistes, elle impliquerait une atteinte à la souveraineté nationale (la France ne controlerait plus directement son armée, ce qui est pour eux intolérable). Proposé par un Français, le projet avorte donc à cause de la France !
- dans la relance de la construction européenne en 1954-1955, on retrouve à nouveau Jean Monnet aux premiers postes. Cela donnera la CEE en 1957.
CONCLUSION :
Un régime aux faiblesses certaines, mais qui mérite mieux que sa réputation et est d’abord victime de circonstances exceptionnelles et de la rupture précoce des conditions originelles de sa stabilité (le tripartisme). Il tombe sur une des crises les plus graves qu’ait connue la France au XXème siècle : l’Algérie. Il reste que dans un pays politiquement aussi divisé que la France, un système comme celui de la 4ème République paraît peu viable. La nouvelle constitution proposée par le Général de Gaulle devait s’avérer beaucoup plus solide.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

une question, un avis ??