jeudi 8 septembre 2011

8 septembre 1978 : Vendredi noir à Téhéran


Le 8 septembre 1978,  l'armée ouvre le feu sur à la foule réunie place Jaleh (Téhéran) pour manifester son opposition au Shah d'Iran, Mohamed Réza. Une centaine de personnes seront tuées. C'est le début de la fin pour la monarchie des Pahlévi fondée en 1925. En 1979, une république islamique, dirigée par l'ayatollah Khomeiny, sera instaurée.
La révolution Iranienne :
Jusqu'en 1978, l'opposition au shah vient principalement de la classe moyenne urbaine, dont une partie plutôt laïque soutiendrait une monarchie constitutionnelle. Ce sont les groupes islamiques qui réussissent les premiers à rassembler de grandes masses contre le shah. En janvier 1978, la presse officielle publie une rumeur destinée à faire du tort à Khomeiny. Des étudiants et des meneurs religieux protestent contre ces allégations dans la ville de Qom. L'armée est envoyée, dispersant les manifestants et tuant plusieurs étudiants. D'après les coutumes chiites, un service religieux se tient en mémoire des morts après un deuil de 40 jours. Le 18 février, des groupes marchent donc dans nombre de villes en honneur aux morts, et en profitent pour manifester contre le régime du shah. Cette fois-ci la violence sévit à Tabriz, et plus de cent manifestants sont tués. Le cycle de deuil et de célébrations se répète, et à partir du 29 mars, de nouvelles protestations ont lieu dans le pays. Des hôtels de luxe et d'autres symboles du régime du shah sont détruits. Le cycle reprend le 10 mai. Les dommages dus aux manifestations, en plus de l'inflation rampante, frappent de plein fouet l'économie iranienne. À cause de cela, le gouvernement impose des mesures d'austérité à l'été 1978 qui provoquent l'annulation de nombreux projets publics et le gel des salaires. Ces mesures aggravent le chômage et le ressentiment de la population. De plus en plus, la classe ouvrière se joint aux étudiants et à la classe moyenne contre le régime. En septembre, la nation se déstabilise rapidement ; les manifestations massives deviennent régulières. Le shah introduit la loi martiale, et interdit toute manifestation. Le vendredi 8 septembre, une manifestation massive a lieu à Téhéran. Défavorable à l'usage de la répression violente qui risque de dégénérer en bain de sang, le shah refuse dans un premier temps cette option proposée par les responsables de la SAVAK. Or, les forces de l'ordre ne disposent pas du matériel adapté (gaz lacrymogène, lances à eau, etc.) pour contrôler les débordements de foule, et il s'avère impossible de maîtriser les rassemblements de plusieurs millions d'individus autrement que par les armes. Le shah, dans une position délicate, accepte finalement que les soldats se déploient avec des tanks, des hélicoptères et des armes automatiques. Certains activistes armés profitent de la situation pour créer la confusion en tuant des centaines de manifestants supplémentaires, crimes attribués ensuite à la seule armée impériale. Ce jour reste connu sous le nom de Vendredi noir. Le Vendredi noir contribue à réduire encore plus le soutien au shah au sein de la population iranienne, ainsi que chez ses alliés à l'étranger. Une grève générale déclenchée en octobre paralyse l'économie, la plupart des industries étant fermées et les pétroliers étant bloqués dans le port d'Abadan. Les protestations de 1978 atteignent leur paroxysme en décembre, pendant le mois saint de Muharram, un des mois importants pour les musulmans chiites. Des manifestants sont tués chaque jour, et chaque jour les protestations prennent encore de l'ampleur. Le 12 décembre, plus de deux millions de personnes défilent dans les rues de Téhéran pour protester contre la politique du shah. Ce dernier, affaibli par la maladie et abandonné par les grandes puissances étrangères, vit retranché dans le palais de Niavaran. Face aux chaos qui ne cesse de s'accroître et contre l'avis des officiers de la SAVAK, le shah ordonne que l'armée cesse de tirer dans la foule. Il joue alors sa dernière carte : la nomination de Shapour Bakhtiar au poste de Premier Ministre. Pour calmer la situation, Shapour Bakhtiar demande au shah de quitter l'Iran pour une durée indéterminée. Le 16 janvier 1979, parti en hélicoptère du Palais de Niavaran, le couple impérial arrive à l'aéroport militaire, où les attendent leurs derniers collaborateurs et officiers restés fidèles. L'avion doit s'envoler à destination de l'Égypte où le président Sadate attend les souverains déchus. Quelques semaines plus tard, le shah et l'impératrice Farah partent pour le Maroc, puis peu après pour le continent américain. L'errance se poursuit aux Bahamas, à Panama, au Mexique, dans un hôpital de New York et sur une base militaire du Texas. La présence du shah aux États-Unis sert de prétexte pour la prise d'otage de l'ambassade américaine de Téhéran. Réclamé par Téhéran pour être jugé (et probablement exécuté, comme la plupart de ses anciens collaborateurs) le shah est de nouveau accueilli par l'Égypte où il subit une nouvelle et ultime intervention chirurgicale. Il meurt peu après. Entre temps, Shapour Bakhtiar tente de rétablir la situation. Il ordonne la dissolution de la SAVAK et la libération des prisonniers politiques. L'ayatollah Khomeiny, depuis son exil de Neauphle-le-Château, est celui qui appelle depuis longtemps à mener la grève générale. Shapour Bakhtiar croit pouvoir encore gagner le soutien des partisans de Khomeiny, et donc rester au pouvoir. Cependant, les discussions afin de trouver un compromis avec l'Ayatollah n'aboutissent pas et Khomeiny délivre un message à ses partisans après la manifestation à Arba'in leur promettant d'être bientôt avec eux en Iran. L'aéroport de Téhéran demeure fermé plusieurs jours à cause de manifestations et de blocages organisés par l'opposition. Ce laps de temps permet aux partisans de s'organiser pour préparer la venue de Khomeiny. Le 1er février 1979, l’ayatollah arrive à Téhéran où des milliers de personnes l’attendent. Il se rend ensuite au grand cimetière de Behesht-e Zahra (le Paradis de Zahra en persan) où il fait un discours livrant sa vision du futur de l’Iran. L'ayatollah Khomeiny élit alors résidence à l'école Alavi dans le centre de Téhéran. L'école devient le quartier général des révolutionnaires. Il dit vouloir créer un gouvernement provisoire dès que possible, puisqu'il estime que celui de Shapour Bakhtiar n'est pas légitime. Cependant, Shapour Bakhtiar ne peut accepter l'idée de se retrouver avec deux gouvernements en Iran. L'ayatollah Khomeiny nomme tout de même Mehdi Bazargan premier ministre, et lui demande de former un gouvernement. Le gouvernement de Bakhtiar est sous pression à cause des appels à manifester faits par Khomeiny, appels suivis particulièrement à Esfahan. En réponse, les partisans de Bakhtiar manifestent en signe de soutien au Stade Amjadiyeh à Téhéran. La peur du conflit armé entre les deux factions commence à poindre. Khomeiny rejette les appels qui lui sont faits d'appeler au conflit armé et essaie plutôt de lier l'armée à son mouvement. Cependant, les dirigeants de l'armée respectent les derniers ordres du shah, d'éviter à tout prix de faire couler plus de sang. Par ailleurs, certains sous-officiers se sont déjà joints à la révolution, particulièrement parmi les cadets de l'armée de l'Air. Le 9 février 1979, les tensions internes à l'armée ne pouvant plus être contenues, un conflit armé éclate à la garnison Doshan Tappeh entre la Garde Impériale et les cadets. Les nouvelles de combats au sein de l'armée ramènent les gens dans la rue, et le couvre-feu n'est plus respecté par la population, qui continue à manifester la nuit. De nouveaux combats éclatent dans la nuit du 10 février après la rencontre de Shapour Bakhtiar avec des chefs de l'armée. Shapour Bakhtiar reste dans ses quartiers sous les ordres du Général Qarabaghi. Au matin du 11 février, l'armée décide de rester neutre dans le conflit. Peu après, l'ayatollah Khomeiny fait faire à l'Ayatollah Moussavi Ardabili une déclaration à la radio, annonçant la victoire de la Révolution. Le soir du 11 février 1979, l'Ayatollah Khomeini est au pouvoir et Mehdi Bazargan est son premier ministre. Cette date marque alors la fin de l'Empire d'Iran, et la chute du gouvernement de Shapour Bakhtiar, contraint à la fuite. Au même moment, les forces révolutionnaires s'emparent des télévisions et des radios.
La destitution du shah provoque une grande jubilation en Iran, mais de nombreux désaccords quant au futur du pays apparaissent. Khomeyni est la figure politique la plus populaire, mais il existe des dizaines de groupes révolutionnaires, chacun ayant sa propre vision de l'avenir de l'Iran, des factions libérales, marxistes, anarchistes et laïques, et également une bonne variété de groupes religieux cherchant à modeler le futur de l'Iran. Les relations étrangères, économiques et militaires de la nation sont perturbées. Les premières années voient le développement d'un gouvernement bipolaire. Mehdi Bazargan devient premier ministre, et le mouvement pour la liberté travaille à établir un gouvernement libéral laïc. Les religieux menés par Khomeiny forment un pôle séparé du pouvoir, le parti républicain islamique. Les groupes essaient de coopérer, mais les tensions grandissent entre les deux factions. Les théologiens sont les premiers à rétablir l'ordre dans le pays : les cellules révolutionnaires deviennent les comités locaux. Connus sous le nom de Gardiens de la Révolution à partir de mai 1979, ces groupes prennent vite le pouvoir dans les gouvernements locaux dans tout l'Iran, et récupèrent ainsi la plupart des pouvoirs locaux. Ils prennent aussi le contrôle des tribunaux qui rendent des jugements sur les anciens responsables des services de sécurité et des militaires du régime du shah : plusieurs dizaines d'officiers généraux et supérieurs ainsi que de hauts fonctionnaires sont ainsi sommairement exécutés pour bien montrer qu'il n'y a plus qu'une seule source de pouvoir en Iran. En juin, le mouvement pour la liberté publie son projet de constitution, qui déclare l'Iran République Islamique, mais sans donner aucun rôle aux Oulémas ni à la loi Islamique. La constitution est soumise au vote de la législature nouvellement élue pour approbation, législature dominée par les alliés de Khomeiny. La chambre rejette la constitution, en accord avec Khomeiny : le nouveau gouvernement doit être « entièrement » basé sur l'islam. Une nouvelle constitution est rédigée ; elle crée le puissant poste de Guide Suprême, chargé de contrôler l'armée et les services de sécurité, et pouvant mettre son veto à la candidature des prétendants au poste de président de la république. Un président de la république est élu tous les 4 ans au suffrage universel, mais seuls les candidats dont la candidature a été approuvée par le Conseil des gardiens de la constitution ont le droit de se présenter aux élections. Khomeiny lui-même devient « Guide de la Révolution ». Se sentant sans pouvoirs et en désaccord avec la direction que prend le pays, Bazargan démissionne de son poste de premier ministre en novembre 79.

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