dimanche 18 mars 2012

La fin de l'URSS

dimanche 25 décembre 2011


Dans une allocution à la télévision, Mikhaïl Gorbatchev annonce sa
démission. Le lendemain, l'URSS est formellement dissoute

Chers compatriotes, chers concitoyens.

En raison de la situation qui prévaut actuellement, je mets fin à mes fonctions de président de l'URSS. En cette heure difficile, pour moi et pour tout le pays, alors qu'un grand Etat cesse d'exister, je reste fidèle à mes principes, qui m'ont inspiré dans la défense de l'idée d'une nouvelle union.

J'ai défendu fermement l'autonomie, l'indépendance des peuples, la souveraineté des républiques. Mais je défendais aussi la préservation d'un Etat de l'Union, l'intégrité du pays. Les évènements ont pris une tournure différente. La ligne de démembrement du pays et la dislocation de l'Etat a gagné, ce que je ne peux accepter car j'y vois de grands dangers pour nos peuples et pour toute la communauté mondiale. Et après la rencontre d'Alma-Ata, ma position sur ce sujet n'a pas changé.

Néanmoins, je ferai tout mon possible pour que les accords qui y ont été signés conduisent à une entente réelle dans la société et facilitent la sortie de la crise et le processus des réformes. Je veux encore une fois souligner que, durant la période de transition, j'ai tout fait de mon côté pour préserver un contrôle sûr des armes nucléaires.
*

M'adressant à vous pour la dernière fois en qualité de président de l'URSS, j'estime indispensable d'exprimer mon évaluation du chemin qui a été parcouru depuis 1985. D'autant qu'il existe sur cette question beaucoup d'opinions contradictoires, superficielles et non objectives. Le destin a voulu qu'au moment où j'accédais aux plus hautes fonctions de l'Etat, il était déjà clair que le pays allait mal. Tout ici est en abondance : la terre, le pétrole, le gaz, le charbon, les métaux précieux, d'autres richesses naturelles, sans compter l'intelligence et les talents que Dieu ne nous a pas comptés, et pourtant nous vivons bien plus mal que dans les pays développés, nous prenons toujours plus de retard par rapport à eux.

La raison en était déjà claire : la société étouffait dans le carcan d'un système administratif de commande. Condamnée à servir l'idéologie et à porter le terrible fardeau de la militarisation à outrance, elle était à la limite du supportable. Toutes les tentatives de réforme partielle -et nous en avons eu beaucoup- ont échoué l'une après l'autre. Le pays perdait ses objectifs. Il n'était plus possible de vivre ainsi. Il fallait tout changer radicalement.

C'est pourquoi je n'ai pas regretté une seule fois de ne pas m'être servi du poste de secrétaire général du Parti communiste de l'Union soviétique uniquement pour "règner" quelques années. Je l'aurais jugé irresponsable et amoral.

Je comprenais qu'entamer des réformes d'une telle envergure et dans une société comme la nôtre était une oeuvre de la plus haute difficulté et, dans une certaine mesure, risquée. Mais il n'y avait pas de choix. Aujourd'hui encore je suis persuadé de la justesse historique des réformes démocratiques entamées au printemps 1985. Le processus de renouvellement du pays et de changements radicaux dans la communauté mondiale s'est avéré beaucoup plus ardu qu'on aurait pu le supposer. Néanmoins, ce qui a été fait doit être apprécié à sa juste valeur.

La société a obtenu la liberté, s'est affranchie politiquement et spirituellement. Et ceci constitue la conquête principale, encore insuffisamment appréciée, sans doute parce que nous n'avons pas encore appris à nous en servir. Mais aussi parce que le chemin de la liberté, que nous avons emprunté il y a six ans, s'est avéré épineux, incroyablement difficile et douloureux.

Néanmoins, une oeuvre d'une importance historique a été accomplie : le système totalitaire, qui a privé le pays de la possibilité qu'il aurait eue depuis longtemps de devenir heureux et prospère, a été liquidé. Une percée a été effectuée sur la voie des transformations démocratiques. Les élections ibres, la liberté de la presse, les libertés religieuses, des organes de pouvoir représentatifs et le multipartisme sont devenus une réalité. Les droits de l'homme sont reconnus comme le principe suprême. La marche vers une économie multiforme a commencé, l'égalité de toutes les formes de propriété s'établit. Dans le cadre de la réforme agraire, la paysannerie a commencé à renaître, le fermage est apparu, des millions d'hectares sont distribués aux habitants des villages et des villes. La liberté économique du producteur est entrée dans la loi, la liberté d'entreprendre, la privatisation et la constitution de sociétés par actions ont commencé à prendre forme.

En dirigeant l'économie vers le marché, il est important de rappeler que le pas est franchi pour le bien de l'individu. Dans cette époque difficile, tout doit être fait pour sa protection sociale. Nous vivons dans un nouveau monde : la "guerre froide" est finie, la menace d'une guerre mondiale est écartée, la course aux armements et la militarisation insensée qui ont dénaturé notre économie, notre conscience sociale et notre morale sont stoppées. Nous nous sommes ouverts au monde, nous avons renoncé à l'ingérence dans les affaires d'autrui, à l'utilisation des forces armées en dehors du pays. En réponse, nous avons obtenu la confiance, la solidarité et le respect.

Nous sommes devenus un des piliers principaux de la réorganisation de la civilisation contemporaine sur des principes pacifiques et démocratiques. Les peuples, les nations ont obtenu une liberté réelle pour choisir la voie de leur autodétermination. Les efforts pour réformer démocratiquement l'Etat multinational nous ont conduits tout près de la conclusion du nouvel accord de l'Union.

Tous ces changements ont provoqué une énorme tension, et se sont produits dans des conditions de lutte féroce, sur un fond d'opposition croissante des forces du passé moribond et réactionnaire, des anciennes structures du parti et de l'Etat et de l'appareil économique, ainsi que de nos habitudes, de nos préjugés idéologiques, de notre psychologie nivellatrice et parasitaire. Il se sont heurtés à notre intolérance, au faible niveau de culture politique et à la crainte des changements. Voilà pourquoi nous avons perdu beaucoup de temps.

L'ancien système s'est écroulé avant que le nouveau ait pu se mettre en marche. El la crise de la société s'est encore aggravée. Je connais le mécontentement qu'engendre l'actuelle situation difficile, les critiques aiguës exprimées à l'encontre des autorités à tous les niveaux et à l'égard de mon action. Mais je voudrais souligner encore une fois : des changements radicaux, dans un pays si grand et avec un tel héritage, ne peuvent se dérouler sans douleur, sans difficultés et sans secousses.

Le putsch d'août a poussé la crise générale jusqu`à ses limites extrêmes. Le pire dans la crise est l'effondrement de l'Etat. Et après la rencontre d'Alma-Ata, je demeure inquiet. Je suis inquiet de la perte pour nos compatriotes de la citoyenneté d'un grand pays, un fait dont les conséquences peuvent se révéler très graves pour tous. Conserver les conquêtes démocratiques de ces dernières années est pour moi d'une importance vitale. Elles sont le fruit douloureux de notre histoire. on ne peut y renoncer sous aucun prétexte. Dans le cas contraire, tous les espoirs d'un avenir meilleur seraient enterrés.

*

Je parle de tout cela avec honnêteté et franchise. C'est mon devoir moral. Je veux exprimer ma reconnaissance à tous les citoyens qui ont soutenu la politique de renouvellement du pays, qui se sont impliqués dans la mise en oeuvre des réformes démocratiques. Je suis reconnaissant aux hommes d'Etat, personnalités de la vie politique et sociale, aux millions d'hommes à l'étranger, à ceux qui ont compris nos desseins. les ont soutenus, sont venus à notre rencontre, pour une coopération sincère avec nous.

Je quitte mon poste avec inquiétude. Mais aussi avec espoir, avec la foi en vous, en votre sagesse et en votre force d'esprit. Nous sommes les héritiers d'une grande civilisation, et, à présent, il dépend de tous et de chacun qu'elle ne parte pas en fumée mais renaisse pour notre joie et celle des autres. Je veux de toute mon âme remercier ceux, qui durant toutes ces années, ont défendu à mes côtés une cause juste et bonne. Je suis persuadé que tôt ou tard nos efforts communs porteront des fruits, et que nos peuples vivront dans une société démocratique et prospère. Je me démets de mes fonctions de président.

Je vous souhaite à tous tout le bien possible.
Arrivé au pouvoir en 1985, Mikhaïl Gorbatchev tente de réformer le système soviétique. L’auteur de l’allocution télévisée est chef de l’État d’URSS, et Premier secrétaire du PCUS. Il annonce la fin de l’URSS et renonce à ses fonctions. La relance de la guerre fraîche par Reagan en 1980 a conduit l’URSS à l’implosion, obligeant le pays à des dépenses insoutenables. La perestroïka, sorte de déstalinisation en différé, conduit à de vives contestations et à des révolutions dans les démocraties populaires (chute du mur de Berlin, révolution tchécoslovaque) et en Russie (putsch raté de 1991). Dans ce contexte, on peut se demander pour quelles raisons le totalitarisme soviétique disparaît en cette fin de XX° siècle. Pour répondre à cette problématique, nous verrons que l’effondrement du régime soviétique se fait sur un temps long. Les 1ères tentatives, commencées sous Khrouchtchev, s’arrêtent pendant l’ère Brejnev avant de reprendre sous Gorbatchev
I. Une 1ère tentative de modernisation sous Khrouchtchev
- Gorbatchev reconnait des tentatives plus anciennes mais qui ont été des échecs. « Toutes les tentatives de réformes partielles ont échoué l’une après l’autre »
- Les 1ères tentatives sont menées par Khrouchtchev. En février 1956, lors du XX° Congrès du PCUS, Khrouchtchev lit un rapport secret devant les délégués soviétiques. Il dénonce les crimes de Staline. Il explique aussi que Staline avait renoncé au marxisme-léninisme. « Le système totalitaire […] a été liquidé »
- Cependant, il ne s’agit pas d’une démocratisation : Pas de remise en cause du système soviétique
La liberté d’expression est très limitée (Boris Pasternak est contraint à refuser le Nobel de littérature en 58 pour Docteur Jivago).
D’autre part la libéralisation ne touche pas les démocraties populaires (Intervention en Hongrie en novembre 1956)
Enfin, les réformes économiques sont un échec et la volonté de décentralisation de Khrouchtchev se heurte aux intérêts de la bureaucratie du parti.
II. L’immobilisme sous Brejnev
- Khrouchtchev est limogé en octobre 1964 par les cadres du Parti (Nomenklatura). Leonid Brejnev (1964-1982) s’impose peu à peu. La réforme économique s’enlise et les dissidents, pourchassés par le KGB sont envoyés en camp ou en hôpital psychiatrique.
- Ce n’est cependant pas un retour au stalinisme car la volonté de forger un homme nouveau à disparu. L’immobilisme l’emporte dans les années 1970 avec le vieillissement de la Nomenklatura (90% des membres du bureau politique ont plus de 60 ans) « Forces du passé moribond et réactionnaire, des anciennes structures du parti et de l’Etat »
III. Un système impossible à réformer
- A son arrivée au pouvoir Gorbatchev met en place la Perestroïka (Restructuration). Il ne s’agit pas d’instaurer le capitalisme (La référence de Gorbatchev reste Lénine) mais de débloquer un système marqué par la mauvaise qualité des productions et le manque de motivation des travailleurs : Assouplissement de la planification, autonomie des entreprises et création d’un secteur privé. Ces mesures fragilisent l’économie et leur application se heurte à la mauvaise volonté de l’administration. « Le pays allait mal » « La marche vers une économie multiforme a été commencée »
- Gorbatchev se rend vite compte que le parti est un obstacle à la modernisation. Il encourage donc la critique et abolit la censure. C’est la Glasnost (Transparence). Les médias abordent des sujets plus sensibles comme les privilèges de la Nomenklatura. L’opinion publique réclame l’approfondissement du changement, y compris politique.
Gorbatchev modifie la Constitution et organise les 1ères élections libres lors des élections du Congrès des députés du peuple en 1989. Ce congrès procède à son élection comme président de l’URSS ce qui renforce sa légitimité.
- Parmi les causes de son échec, Gorbatchev fait également référence à la pression extérieure avec la reprise de la course aux armements : « Terrible fardeau de la militarisation à outrance » 

En conclusion, l’auteur explique son échec par la rigidité et l’immobilisme des structures du parti et de l’État, de la Nomenklatura détentrice des postes clefs depuis Brejnev. Il sous-entend que la déstalinisation amorcée par Khrouchtchev n’a jamais atteint ses objectifs à cause des conservateurs du parti, fidèles au stalinisme, auteurs d’une tentative de putsch en Russie à l’été 1991. Les difficultés économiques étaient aussi trop graves pour que le système soit sauvé, mais la réforme entreprise reste légitime. Cependant, l’auteur minimise les événements dans les démocraties populaires et de la construction européenne après la réunification allemande.

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