lundi 20 février 2012

histoire des arts : L'Étoffe des héros


L'Étoffe des héros (The Right Stuff) est un film américain de Philip Kaufman, sorti en 1983.
L'Étoffe des héros retrace l'épopée des pilotes d'essais américains d'après-guerre, du passage du mur du son par Chuck Yeager aux premiers vols spatiaux habités. Ce film retrace la vie de ces aviateurs fougueux dans le contexte de la guerre froide naissante, et le parcours de certains d'entre eux, qui seront sélectionnés pour devenir les premiers Américains à aller dans l'espace. Ce seront les astronautes du programme spatial Mercury, qui fut le premier pas de la conquête de l'espace américaine.
Le Muroc Army Air Field en 1947 est le décor du début du film. Cette base de l'Air Force poussiéreuse des zones arides est l'endroit où des avions les plus rapides sont mis à l'essai dans le secret, y compris l'avion-fusée X-1, sur le point de voler à des vitesses supersoniques. Alors qu'un certain nombre de pilotes d'essai ont trouvé la mort dans la tentative de dépasser ce que l'on appelle le « mur du son », l'officier de liaison de base, le héros de guerre Chuck Yeager (Sam Shepard) se voit offrir la chance de piloter le X-1. Pendant une course poursuite à cheval avec son épouse Glennis (Barbara Hershey), dans les sous-bois entourant la base, Yeager chute et souffre de quelques côtes cassées. Refusant d'admettre la défaite, il part (avec l'aide d'un manche à balai scié) et dépasse sur le X-1 la vitesse du son, battant le « démon du ciel ». On avance en 1953, où Edwards Air Force Base (rebaptisée ainsi en mémoire d'un des pilotes d'essai qui y perdit la vie) reste l'endroit idéal pour les premiers pilotes comme Yeager, engagé dans un concours de vitesse avec le pilote d'essai Scott Crossfield (Scott Wilson). Crossfield et Yeager s'engagent dans une intense, mais conviviale rivalité pour les records de vitesse et d'altitude. Edwards est à la fois un lieu très différent et cependant reste le même grâce au célèbre Happy Bottom Riding Club dirigé par Pancho Barnes (Kim Stanley) toujours le lieu de rassemblement de ceux qui ont « l'étoffe ». Les nouveaux pilotes tels que Gordon « Gordo » Cooper (Dennis Quaid) et Virgil « Gus » Grissom (Fred Ward) font partie d'un flux constant de « pudknockers » comme Barnes les appelle. L'épouse de Cooper, Trudy (Pamela Reed) s'interroge sur la nécessité de repousser toujours plus loin les limites du danger, mais est résignée au fait que son mari, comme tous les autres, est motivé par l'ambition et court après la gloire. D'autres femmes de pilotes, qui partagent les mêmes sentiments, doivent apprendre à réprimer leurs craintes. Déjà, la presse est présente en arrière-plan, reconnue comme un élément majeur pour s'assurer que les sources de financement ne tariront pas.
En 1957, le lancement historique par l'Union soviétique du satellite Spoutnik plonge le monde scientifique et l'armée américaine dans le chaos. Hommes politiques et chefs militaires chargent la NASA de mettre au point une réponse pour ce que l'on pressent être la « course à l'espace » avec l'URSS. La recherche des premiers Américains dans l'espace exclut les pilotes d'essai comme Yeager, que la perspective d'être du « SPAM-in-a-can » (le SPAM est du jambon en boîte) n'intéresse pas. Les sept astronautes du programme Mercury qui se dégagent d'une sélection exténuante incluent des rivaux de l'US Marine Corps John Glenn (Ed Harris) et le pilote de l'US Navy Alan Shepard (Scott Glenn), ainsi que des pilotes de l'US Air Force comme Gordon Cooper, Grissom et les autres. Les dangers du vol spatial sont mis en avant alors que les premiers essais de lancement (inhabités) échouent les uns après les autres.
Pour obtenir une écoutille et un hublot sur la capsule, de même qu'un minimum de contrôle sur le vol, les astronautes confrontent les directeurs du programme, menaçant de faire des révélations à la presse, avec l'argument « no bucks, no Buck Rogers » (« pas d'argent, pas de Buck Rogers »).
Puis vient la chronique des missions Mercury de Shepard, Grissom, Glenn et Cooper. Quand « Gus » Grissom, deuxième astronaute à être envoyé dans l'espace, amerrit et sort de son vaisseau spatial (l'ouverture de l'écoutille, non prévue, a causé l'inondation puis la perte de la capsule), le sauvetage de l'enregistrement contenu dans la capsule semble plus important pour l'équipe de récupération que le sauvetage du pilote, en raison de la valeur des données (la théorie voulant que Grissom ait déclenché les événements qui ont causé la perte de sa capsule s'est révélée fausse beaucoup plus tard). Les deux côtés (États-Unis et URSS) dans la course à l'espace ont utilisé des ingénieurs allemands expérimentés et des spécialistes en fusée. À un moment particulièrement drôle dans le film, le sénateur Lyndon Johnson participe à une réunion où les hommes politiques réagissent à l'annonce du lancement de Spoutnik de 1957. Le sénateur Johnson demande : « Est-ce leurs scientifiques allemands qui les [les Soviétiques] ont amenés là en premier ? ». À ce moment-là, le « scientifique allemand » (un caractère composite, fortement inspiré de Wernher von Braun) répond : « Non sénateur... nos Allemands sont meilleurs que leurs Allemands. » Plus tard, Johnson, devenu président, continue l'initiative du président Kennedy de rester en tête de la course à l'espace, et il accueille à Houston, Texas, le nouveau siège de la NASA (déplacé sous l'influence de Johnson, dont c'est l'État d'origine), une fête qui met en lumière les aspects surréalistes de la compétition.
L'aventure Mercury contraste avec les événements à la base Edwards où des pilotes d'essai tels que Yeager, qui a été exclu du programme de la NASA après que des fonctionnaires eurent décidé de n'employer que des pilotes diplômés d'université, continuent leur travail dangereux. Au cours d'un essai d'un nouveau Lockheed NF-104A, hybride entre une fusée et un avion, Yeager établit un nouveau record d'altitude, aux frontières de l'espace, mais est gravement brûlé et frôle la mort dans une éjection à grande vitesse de son appareil hors de contrôle.
Le film se poursuit par le lancement et la mise en orbite de la mission de Glenn et Cooper. L'atmosphère générale de la concurrence dans un contexte de guerre froide s'infiltre dans les tensions de la vie familiale des astronautes. Entre autres, l'épouse de Glenn, Annie (Mary Jo Deschanel) a eu un moment particulièrement difficile sous le feu des médias, en raison de son bégaiement inné. John Glenn finit par intervenir pour la protéger de la pression médiatique, dont chaque moment du film souligne l'omniprésence par le bourdonnement des caméras et bruits de flashs.

Le film se termine par un épilogue qui indique ce que sont devenus les personnages principaux après les événements relatés par le film.

Le vrai Charles Yeager joue un tout petit rôle : celui d'un vieil homme qui sert à boire dans le bar de Pancho Barnes, près de la base Edwards.

Philip Kaufman, réalisateur plutôt rare (12 films en 40 ans), aura sûrement atteint son meilleur avec L'étoffe des héros, récit au long cours suivant les quelques pilotes américains qui permirent les débuts couronnés de succès de la conquête spatiale. Ainsi Chuck Yeager (premier homme à franchir le "mur du son" dans un bruit assourdissant qui a étonné les gens d'alors), John Glenn, Alan Shepard, Gordon Cooper, Virgil Greesom et Walter Schirra furent recrutés pour participé au programme Mercury, dont le but était d'envoyer des hommes dans l'espace.

Adaptant lui-même un livre de Tom Wolfe, Kaufman a la bonne idée de ne pas entrer tout de suite dans le vif du sujet, mais plutôt de développer les personnages au travers de leur carrière d'origine, des pilotes de vitesse. Risquant leur vie pour le dépassement de soi, ils poursuivent tous la performance ultime, celle qui restera dans les mémoires. Ainsi, Yeager (Sam Shepard) se livrera à une course à la performance pour conserver son titre d'"homme le plus vite du monde" ; elle fera écho à la course à l'espace, puis course à la Lune que se livreront les Etats-Unis et la Russie. De même l'esprit de compétition sous-tend tout le film et s'illustre à de nombreuses reprises ; les éprouvants tests d'entrée dans la NASA en font évidemment partie, entre une Durant ses séquences de vol, l'impression de vitesse, comme celle du danger, est particulièrement palpable : utilisation des sons off, cadrages serrés des pilots dans leur cockpits, premier plan défilant sur fond statique -les nuages-, plans brefs et survoltés d'une caméra comme en roue libre -lors des pertes de contrôles des appareils. Dans ces moments, on comprend bien la dose d'inconscience qu'il est nécessaire d'avoir pour dépasser certaines limites ; car, pour faire ce qu'aucun homme auparavant n'a tenté, il faut qu'ils aient un petit grain de folie.

Kaufman livre un portrait humain et juste des 7 astronautes, du pilote Chuck Yeager (qui refusa de participer au programme), mais aussi de plusieurs de leurs compagnes respectives ; le film s’attarde également sur l’histoire de la base de Muroc Army Air Fied (ses pilotes morts dans les airs et ceux, obsédés par les records de vitesse, qui regardent leurs photos sur les murs d’un vieux rade) lui donnant une aura légendaire. Le scénario parvient de fait à un parfait équilibre entre la grande et la « petite » histoire, et c’est cette richesse qui permet au spectateur de s’impliquer dans le récit et de s’intéresser aux différents personnages ; on sent clairement que le réalisateur a été séduit par leur (forte) personnalité et qu’il a tenu à en rendre compte du mieux possible, donnant à cette aventure une dimension humaine qui explique en grande partie la réussite de L’Étoffe des héros.

L’humour est également bien dosé, et le film, s’il adopte bien entendu un ton volontiers épique, ne tombe jamais dans le patriotisme à outrance auquel son sujet aurait pu le cantonner, ne se privant pas d’un regard souvent grinçant sur plusieurs représentants politiques (le vice-président de l’époque, Lyndon Johnson, est carrément ridiculisé au cours d’une séquence), et faisant preuve d’un certain recul par rapport à la logique de la guerre froide ; ainsi, si l’aventure est glorifiée, c’est davantage, encore une fois, pour sa dimension humaine que politique et patriotique.

Rien à redire du côté de la réalisation. La construction du scénario laissant une place importante au développement des personnages et à l’ensemble des événements qui précèdent et suivent chaque expédition spatiale, le réalisateur a fait preuve d’une rigueur égale pour le tournage des scènes spectaculaires (qui ont très bien vieilli, car il faut souligner également la qualité des effets spéciaux) et des séquences plus intimistes. Rien d’étonnant à cela, quand on sait que Philip Kaufman est très à l’aise dans ce registre – il signera, juste après L’Étoffe des héros, l’adaptation périlleuse du célèbre roman de Milan Kundera, L’insoutenable légèreté de l’être, avec Daniel Day Lewis et Juliette Binoche.

Impossible de parler du film sans évoquer son casting. Dans le rôle du pilote d’essai Chuck Yeager, l’acteur, écrivain et auteur de théâtre Sam Shepard témoigne d’une présence et d’une aura remarquables. Mais il n’est pas la seule « gueule » du film : Ed Harris, Scott Glenn, Dennis Quaid et d’autres encore rivalisent de charisme et de talent – à l’image des personnages qu’ils interprètent.

L’Étoffe des héros est un grand film d’aventures, de ceux qui sont davantage qu’un bon divertissement du fait de leurs indéniables qualités artistiques. A revoir ou à découvrir d’urgence.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

une question, un avis ??