lundi 20 février 2012

1942 : Vercors publie "Le silence de la mer"


Le dessinateur français Jean Bruller publie clandestinement son premier roman sous le pseudonyme de Vercors. Avec son ami résistant Pierre de Lescure, ils ont fondé en secret une petite maison d'édition: les Editions de Minuit. "Le silence de la mer" qui a pour thème l'occupation, est diffusé au compte-goutte. Il est dédié à la mémoire du poète Saint-Pol Roux, mort le 18 octobre 1940.

En 1941, au début de l'Occupation, un officier allemand, épris de culture française, réquisitionne la maison d'une famille comprenant un vieil homme et sa nièce. Par des monologues prônant le rapprochement des peuples et la fraternité, il tente, sans succès, de rompre le mutisme de ses hôtes dont le patriotisme ne peut s'exprimer que par ce silence actif. Le Silence de la mer et autres récits est aussi le titre d'un recueil de nouvelles de Vercors qui comporte 6 nouvelles.
Un livre est rarement l'objet d'un culte tel que l'a été le Silence de la Mer, pour des raisons plus patriotiques et conjoncturelles que littéraires. Le contexte a donné lieu à de nombreuses allégations comme celle d'Ilya Ehrenbourg qui pensait qu'il s'agissait sûrement d'une « œuvre de provocation écrite certainement par un nazi pour servir l'action d'intoxication menée par la Gestapo ». Ou encore la majorité des résistants à Londres qui ont lu le livre étaient sûrs qu'il avait été écrit par André Gide...
L'histoire est inspirée de faits réels, Vercors ayant accueilli chez lui un officier allemand avec une jambe raide qui jouait au tennis pour la rééduquer. Toutefois, aucun rapport ne s'était jamais établi entre eux mais Vercors avait remarqué que cet officier avait pour la France un certain attachement notamment par sa possession de nombreux livres français et d'un buste de Pascal. À partir de ces éléments, Vercors a écrit l'histoire que nous connaissons aujourd'hui, sa femme étant devenue sa nièce pour créer un lien passionnel plus dramatique.
Rédigé au cours de l'été 1941 le livre n'est achevé d'imprimer que le 22 février 1942. Nombre de lecteurs remarquèrent un décalage entre le récit et les réalités de la situation : pour ceux qui ne supportaient pas le joug allemand le temps du silence était dépassé, l'heure de la lutte avait sonné. La dédicace à Saint-Pol-Roux, loin d'être gratuite, confirme et souligne le sens du récit. Le poète, ami de Jean Moulin et de Max Jacob, était mort en décembre 1940 à l'hôpital de Brest six mois après qu'un soldat allemand ivre eut forcé la porte de son manoir, tué sa servante et violé sa fille, Divine (le viol fût réfuté par la suite). L'hommage est explicite ; les autorités qui ont pu couvrir un tel crime ne sauraient être crues lorsqu'elles nous proposent de collaborer avec elles. Les écrivains qui acceptent de collaborer avec elles se font leurs complices.
Le manuscrit parvient à Londres, et le général De Gaulle en ordonne une réédition sur le champ aux fins de large diffusion. C'est une de celles-ci qui passera dans les mains de Melville qui l'adaptera en 1947 pour le cinéma.

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