L'« autre Allemagne », « une Allemagne contre Hitler », a certes existé, mais ces expressions mêmes soulignent après coup son caractère désespérément minoritaire et isolé. Toute opposition a été vite réduite par l'exil, la prison ou l'internement en camp. Démocrates, socialistes et communistes ont payé par milliers le plus lourd tribut, ainsi que tous ceux qui, comme par exemple les Témoins de Jéhovah, refusaient la guerre, le salut nazi et tout signe d'allégeance à l'idolâtrie entourant le Führer. La délation de masse a sévi et plongé le pays dans une atmosphère de crainte, où nul ne peut plus s'ouvrir sans risques à son voisin, des enfants endoctrinés allant jusqu'à dénoncer leurs parents.
Rares sont ceux qui au nom de leurs principes humanistes, marxistes, libéraux, chrétiens ou patriotiques, ou tout simplement par humanité et au nom de leur conscience, oseront douter du Führer, le braver en s'abstenant du salut nazi, en transgressant les multiples interdits de la société nazie, ou en venant en aide à des persécutés (a fortiori en entrant en résistance active). Par mépris, le très nationaliste écrivain Ernst Jünger appelait Hitler Kniebolo dans son journal de guerre. Le communiste Bertold Brecht le mettra en scène sous les traits du gangster Arturo Ui. Le démocrate Thomas Mann le dénoncera à la radio américaine, tout en reconnaissant que « cet homme est une calamité, d'accord, mais ce n'est pas une raison pour ne pas trouver son cas intéressant. » Pour les étudiants chrétiens de la Rose Blanche, revenus de leurs illusions initiales, il représentait l'Antéchrist. Mgr Lichtenberg, mort déporté pour avoir prié à Berlin pour les Juifs, dira à la Gestapo : « Je n'ai qu'un seul Führer : Jésus-Christ ».
Malgré son interdiction et la violente répression qui s'abat sur ses membres, le KPD parvient à conserver une organisation clandestine organisée autour de l' « Orchestre rouge », qui diffuse tracts et brochures et infiltre les sommets de l'appareil d'État allemand. Les autres courants marxistes sont également actifs dans la résistance antinazie clandestine (c'est le cas du futur chancelier Willy Brandt), en lien avec leurs directions en exil pour les partis les plus importants (SPD, SAP, KPD-O).
La terreur et la répression menée par la gestapo limitèrent l'impact de la résistance allemande au nazisme. L'antisémitisme et le racisme du nazisme faisaient écho à des préjugés très répandus, mais sauf pour une faible minorité, ils ne motivèrent pas le vote Hitler ni le soutien à sa dictature - ils n'eurent guère non plus d'effet dissuasif. La large popularité du Führer avant-guerre provient surtout du rétablissement brutal de l'ordre public, de son anticommunisme, de son opposition au « Diktat » de Versailles, des succès diplomatiques et économiques obtenus (notamment l'importante réduction du chômage) et de sa politique de réarmement.
Encore qu’il ne faille pas oublier ni les conditions sociales et politiques dans lesquelles les améliorations économiques ont été obtenues, ni les pénibles situations de pénurie alimentaire, l'imposition d'ersatz de pauvre qualité en remplacement des importations condamnées par l'autarcie, et le manque de devises dès 1935. En particulier, le pouvoir d’achat des ouvriers a baissé entre 1933 et 1939. Les femmes ont été renvoyées de force au foyer (et 200 000 de celles ne présentant pas les garanties de pureté raciale exigées par la loi stérilisées). L’exode rural s’est accéléré. Et les lois nazies encourageant la concentration des entreprises et du commerce ont conduit à 400 000 fermetures de petites entreprises dès avant-guerre. Les catégories sociales qui avaient mis leurs espoirs en Hitler sont donc loin d’avoir toujours été satisfaites.
Par ailleurs, beaucoup d’Allemands reprennent au profit d’Hitler la distinction ancestrale entre le bon monarque et ses mauvais serviteurs. Alors que les « bonzes », les privilégiés du Parti-État, sont généralement méprisés et haïs pour leurs abus et leur corruption fréquente, on considère spontanément Hitler comme exempt de ces tares, et comme un recours contre eux. Beaucoup d’Allemands ont spontanément cru que le Führer était laissé dans l’ignorance des « excès » de ses hommes ou de son régime. En quelques années, Hitler s'est de fait identifié à la nation, canalisant au profit de sa personne le sentiment patriotique même de citoyens réservés envers le nazisme. L'aspect de « religion civile » revêtu par le nazisme a séduit aussi nombre d'Allemands, et le culte messianique organisé autour d’Hitler a soudé la population autour de lui. Bien des esprits se sont laissés aussi fasciner par l'irrationalisme nazi, avec son culte néo-romantique de la nuit, du sang, de la nature, son goût des uniformes et des parades, ses rituels et ses cérémonies spectaculaires ressuscitant un univers médiéval ou païen. De même que par l'appel efficace aux héros mythiques du passé national (Arminius, Barberousse, Frédéric II du Saint-Empire, Frédéric II de Prusse, Andreas Hofer, Otto von Bismarck…) mobilisés rétrospectivement comme précurseurs du Führer providentiel.
Les Églises en tant qu'institutions ont peu cherché à s'opposer à un chancelier pourtant néo-païen et antichrétien. Malgré maintes tracasseries infligées, Hitler s'est toujours bien gardé de mettre en application les projets d'éradication du christianisme nourris par son bras droit Martin Bormann ou l'idéologue du parti Alfred Rosenberg. Il a joué sur l'anticommunisme, l'antiféminisme et les aspects réactionnaires de son programme pour séduire les électorats religieux. La signature du concordat avec le Vatican, en juin 1933, a été un triomphe personnel, qui a lié les mains à l'épiscopat et renforcé sa stature internationale. Se défendant de « faire de la politique », évêques, curés et pasteurs ne s'opposaient que sur des points matériels ou confessionnels et terminaient leurs sermons en priant « pour la patrie et pour le Führer ». L'encyclique antinazie du pape Pie XI, Mit Brennender Sorge (1937), interdite de diffusion par la Gestapo, ne mentionne pas le nom de Hitler, et ne condamne que partiellement son régime, ni lui ni aucun de ses partisans n'étant jamais menacés d'excommunication.
Contrairement à une légende, Hitler n'était avant 1933 ni le candidat ni l'instrument des milieux d'affaires. Mais le grand patronat s'est vite rallié à lui, et a amplement bénéficié de la restauration de l'économie puis du pillage de l'Europe, allant jusqu'à se compromettre souvent dans l'exploitation de la main-d'œuvre concentrationnaire (IG Farben à Auschwitz, Siemens à Ravensbrück). Alors que tous les éléments conservateurs (militaires, aristocrates, hommes d'Église), ont fourni leur tribut à la (faible) résistance allemande, le patronat y est resté remarquablement peu présent. Une des rares exceptions est paradoxalement celle de son très ancien partisan Fritz Thyssen, qui rompt avec Hitler et fuit le Reich en 1939, avant de lui être livré l'an suivant par l'État français et interné. L'historien Götz Aly, dans Comment Hitler a acheté les Allemands, insiste quant à lui sur le fait que les bénéfices matériels de l'aryanisation et du pillage de l'Europe, plus que l'idéologie, ont rendu maints Allemands redevables et complices de leur Führer. Les centaines de trains de biens volés aux Juifs assassinés n'ont pas été perdus pour tout le monde, ni les milliers de logements vacants qu'ils étaient contraints d'abandonner.
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