dimanche 4 décembre 2011

4 décembre 1975 : Mort d'Hannah Arendt


La philosophe d’origine juive a marqué la modernité par ses écrits sur le totalitarisme et sur la culture politique contemporaine. Née en Allemagne et ayant étudié dans ce pays lors de la montée du nazisme, la philosophe s’est particulièrement attachée à son fonctionnement et a analysé ce qu’elle nomme la banalité du mal dans "Eichmann à Jérusalem".

Hannah Arendt, née Johanna Arendt, à Hanovre (14 octobre 1906 - 4 décembre 1975), est une philosophe allemande naturalisée américaine, connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité. Elle ne se désignait pas elle-même comme « philosophe », mais plutôt d'après sa profession : professeur de théorie politique (« political theorist »). Son refus de la philosophie est notamment évoqué dans Condition de l'homme moderne où elle considère que « la majeure partie de la philosophie politique depuis Platon s'interpréterait aisément comme une série d'essais en vue de découvrir les fondements théoriques et les moyens pratiques d'une évasion définitive de la politique. » Ses ouvrages sur le phénomène totalitaire sont étudiés dans le monde entier et sa pensée politique et philosophique occupe une place importante dans la réflexion contemporaine. Ses livres les plus célèbres sont Les Origines du totalitarisme (1951), Condition de l'homme moderne (1958) et La Crise de la culture (1961). Son livre Eichmann à Jérusalem, publié suite au procès d'Eichmann en 1961, a suscité controverses et polémiques.

Arendt souhaitait penser son époque, et elle s'est ainsi intéressée au totalitarisme. Son analyse continue à faire autorité, à côté de celle, différente et plus descriptive, de Raymond Aron. Dans le livre Les Origines du totalitarisme elle met sur le même plan stalinisme et nazisme, contribuant ainsi à systématiser le nouveau concept de « totalitarisme ». Certaines de ses analyses seraient un peu dépassées par l'avancée des recherches ou souffriraient de contradictions et d'un manque de cohérence, comme par exemple celles sur la « république plébiscitaire », sur le rôle de la « populace », sur la « société de masse » comme vivier du totalitarisme, sur le fascisme, de sorte que sa typologie des systèmes totalitaires est aujourd'hui contestée par l'historiographie actuelle. Ainsi, pour Ian Kershaw, « […] elle ne parvient pas à élaborer une théorie claire ou une conception satisfaisante des systèmes totalitaires. Enfin, son argument essentiel pour expliquer le développement du totalitarisme — la disparition des classes et leur remplacement par une « société de masse » — est à l'évidence erroné. » N'étant pas historienne de formation, elle aurait jugé « le passé et le présent avec beaucoup d'aplomb, à partir d'une conception irréductible de la liberté qui l'honore mais ne l'immunise pas forcément contre les erreurs d'analyse. »

Bien qu'elle ait travaillé de nombreuses années au sein d'une organisation sioniste (lors de son séjour à Paris), Hannah Arendt évolua progressivement au sujet d'Israël, et exprima son opposition constante à tout enfermement nationaliste. Elle était favorable à un État fédéral mixte judéo-arabe. Elle entra en conflit avec la presse israélienne lors de sa couverture du procès d'Eichmann à Jérusalem au début des années 1960. Après avoir suivi pendant dix mois, pour le journal américain The New Yorker, le procès d'Adolf Eichmann, Hannah Arendt publia, en effet, Eichmann à Jérusalem, compte rendu du procès de celui qui fut considéré par la hiérarchie nazie comme le « spécialiste de la question juive ». Cette œuvre est, en fait, bien plus qu'un simple compte rendu de procès, il s'agit en réalité d'une étude sur le mal, ou plutôt sur les ressorts du mal qui ont rendu les camps de concentration possibles. Hannah Arendt décida d'ailleurs pour cette raison de donner à cette œuvre, le sous-titre d'Étude sur la banalité du mal. La polémique qui se fit jour au lendemain de la parution de Eichmann à Jérusalem portait sur les déclarations de Hannah Arendt sur, d'une part, les « sympathies » supposées d'Adolph Eichmann pour le sionisme et, d'autre part, sur le comportement des populations juives déportées à l'endroit de leurs bourreaux. Il fut, en effet, injustement reproché à Hannah Arendt d'avoir non seulement présenté Adolf Eichmann comme un sioniste mais aussi, et surtout, d'avoir fait le reproche aux populations déportées de ne pas s'être suffisamment révoltées contre le sort terrible que les dirigeants nazis leurs réservaient. Ces critiques infondées, qui résultent d'une lecture erronée de l'œuvre de Hannah Arendt, furent largement rejetées par l'auteur. Hannah Arendt ne reproche, en effet, dans Eichmann à Jérusalem à aucun moment aux déportés de s'être montrés passifs. Elle dénonce d'ailleurs à plusieurs reprises dans son œuvre le comportement du procureur du tribunal de Jérusalem, Gideon Hausner, qui de manière répétée lors du procès d'Adolf Eichmann demanda aux témoins survivants des camps de concentration nazis, pourquoi ils ne s'étaient pas révoltés. Soulignant « l'ignominie et la bêtise » d'une telle question, elle démontre, d'ailleurs, dans Eichmann à Jérusalem que l'horreur du système nazi résidait, entre autres, dans son aptitude à détruire la volonté des individus. Quant à la seconde critique faite à Hannah Arendt lors de la parution de Eichmann à Jérusalem, qui portait sur le « sionisme » d'Adolf Eichmann — qu'elle était censée avoir voulu mettre en avant — il s'avère que, comme la précédente, cette critique était infondée. Hannah Arendt ne fait jamais, dans son compte rendu du procès d'Adolf Eichmann, un sioniste du « spécialiste de la question juive ». Elle s'efforce au contraire, à de multiples reprises, de tourner en ridicule la sympathie déclarée d'Adolph Eichmann pour le sionisme, alors que celui-ci, individu intellectuellement médiocre, en ignorait les fondements, les principes et la portée. Sur la base d'un important travail de documentation, Hannah Arendt, qui a toujours revendiqué une réelle indépendance d'esprit, dénonça dans Eichmann à Jérusalem le comportement des membres de certains Judenräte (conseils juifs), en particulier celui de Theresienstadt, qui furent amenés à collaborer avec les autorités nazies. Ces accusations, qui avaient déjà été formulées par d'autres, provoquèrent une importante polémique. Hannah Arendt fut blessée par les accusations auxquelles elle eut à faire face au lendemain de la parution de Eichmann à Jérusalem d'autant qu'à ses yeux les dites accusations relevaient du procès d'intention.

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