dimanche 9 octobre 2011

MUTATIONS DES SOCIETES DEPUIS LE MILIEU DU XIX° siècle


I. Les mutations de la population active, reflet du bouleversement des sociétés depuis 1850: exemple de la France

A. mise en place et apogée d'une société industrielle (1850-1975)

1. Evolution générale

- De 1850 à 1975, on observe une évolution de la répartition de la population active entre les différents secteurs. Le secteur 1aire, prédominant en 1850 avec 56% des actifs (apogée démog des campagnes françaises), devient minoritaire en 1975 (9,5% des actifs). Au contraire, les secteurs secondaire et tertiaire connaissent une forte croissance : de 18 à 51,3% pour le tertiaire, de 26 à 39,2% pour le 2aire. L'année 1975 marque l'apogée du secteur secondaire en France et donc l'apogée d'une société industrielle qui s'est progressivement imposée à la faveur des  Première et Deuxième Industrialisations.

- Cette mise en place d'une société industrielle est toutefois discontinue dans le temps. Elle connaît une première accélération au lendemain de la 1ère GM et dans les années 20. En 1931, le secteur 2aire est le 1er en% de la population active. Puis on observe une stagnation durant la crise des années 30 (en 1945, la part du secteur 2aire dans l'emploi est inférieure à 1931) avant de connaître une nouvelle accélération de 1945 à 1960 (secteur 2aire = 39% des actifs) à la faveur de la reconstruction et des politiques de décentralisation industrielle des années 50.

Cette évolution s'accompagne d'une urbanisation grandissante (50,8% population urbaine en 1931, 72,9 en 1975) car les villes représentent pour l'industrie un bassin d'emploi et la proximité des banques et des nœuds de communication.

- Elle s'accompagne également d'une hausse du travail salarié en tant qu'ouvrier ou employé – au lendemain de la 1ère GM, puis pendant les 30 Glorieuses – qui se fait aux dépens du travail indépendant (chef d'exploitation agricole, artisan, commerçant).

Enfin, l'affirmation de la société industrielle voit le développement progressif du travail féminin (taux d'activité = environ 32% en 1866, plus de 50% en 1975), même si cette affirmation n'est pas linéaire. D'une part, les femmes exerçaient des activités non salariées dans le monde rural en participant aux travaux des champs, en réalisant des productions domestiques (textile...). D'autre part, s'il augmente pendant la 1ère GM, leur taux d'activité stagne, voire chute, sous l'influence du retour de la main d’œuvre masculine du front dans les années 1918-1920, puis de la crise des années 30, avant de croître à nouveau durant les 30 Glorieuses tout en restant largement inférieur au taux d'activité masculin. A partir de 1945, la main d’œuvre féminine trouve essentiellement à s'employer dans des industries de biens de consommation (électroménager) souvent implantées en milieu rural (exemple normand avec Moulinex) ou dans le secteur 3aire en pleine expansion. Les emplois sont le plus souvent des postes subalternes et peu payés (caissière, dactylos).

2. L'évolution du travail ouvrier

La condition ouvrière de la 2e moitié du XIXe siècle est particulièrement dure, notamment pour les ouvriers peu qualifiés comme ces manœuvres. Les horaires très longs, l'absence de repos et de loisirs – le dimanche n'est férié qu'en 1906 – la dureté du travail malgré la présence de machines, nourrissent les premières revendications ouvrières.

- La condition ouvrière a connu des améliorations dans l’entre-deux-guerres: Les syndicats sont autorisés (1884), le repos dominical est garanti (1906), la journée de 8h acquise en 1919 et, depuis 1936, les ouvriers ont 2 semaines de congés payés (3 en 1945, 4 en 1968) et une représentation au sein de l'entreprise (délégués du personnel). Enfin, les salaires se sont globalement accrus. Toutefois l'introduction du taylorisme dans l'entre-deux-guerres, s'il constitue une modernisation pour l'industrie, rend l'ouvrier de plus en plus dépendant de sa hiérarchie, qui lui impose un rythme de travail accéléré sur lequel il n'a aucun contrôle. Devenu OS (ouvrier spécialisé dans une seule opération exigeant peu de compétences), l'ouvrier voit la valeur de son travail se déprécier. L'introduction du fordisme et du travail à la chaîne après 1945 renforce cette évolution.

3. La « fin des paysans »

La société française est restée plus tardivement rurale que la société des autres grands pays industriels : le Royaume Uni est majoritairement urbain dès 1850, l'Allemagne dès la fin du XIXe siècle. La société paysanne française est à son apogée démographique au milieu du XIXe siècle. Toutefois, elle connaît une érosion d'abord lente (exode rural) qui s'accélère avec la Première Guerre Mondiale. Ce premier exode rural touche d'abord les ouvriers agricoles et paysans sans terres, victimes de la modernisation progressive de  l'agriculture française. A partir de 1945, l'exode rural s'amplifie, mais il touche cette fois-ci les propriétaires-exploitants. Le nombre des exploitations décline rapidement à partir des années 60, quand la PAC (1962) encourage le regroupement et la modernisation des exploitations. Cette modernisation accélérée et l'entrée dans une agriculture productiviste permet de parler en 1967 de « fin des paysans », un bouleversement majeur dans la société française.

B. L'émergence d'une société post-industrielle (1975 à nos jours)

Le concept de société post-industrielle remonte à la fin des années 50. Il désigne une société où les activités de services deviennent centrales, où la consommation, les loisirs et l'affirmation individuelle deviennent essentiels.

1. Tertiarisation et hausse du niveau de qualification

Depuis 1975, le secteur tertiaire est passé de 44,5 à 75% de la pop active. Ceci s'explique par l’élargissement du temps libre et des loisirs, rôle accru des transports, des communications et de la logistique, externalisation de certaines fonctions par les entreprises (comptabilité, marketing...), délocalisation de certaines productions... Parallèlement, le niveau de qualification augmente et les études s’allongent. Les cadres moyens et supérieurs représentent aujourd'hui environ un tiers de la population active. Enfin, on assiste à un dév de l'emploi féminin, dont le taux d'activité est désormais proche de celui des hommes. Cet emploi a ses spécificités : souvent tertiaire, avec un niveau de salaire plus faible et une plus grande précarité.

2. Effondrement de l'emploi industriel et « fin des ouvriers »

Depuis 1975, l'emploi indus recule : 6 M salariés 1973 / 3,5 M 2009. Raisons multiples :

– Externalisation de certaines fonctions qui fait « glisser » des emplois indus vers le 3aire

– Délocalisation vers les pays à bas coût de production (10 à 12% des destructions emploi indus par an)

– Gains de productivité (robotisation...), facteur de destruction d'emploi industriel peu qualifié.

Dans ces conditions, la « fin des ouvriers » est évoquée depuis les années 80, avec le recul du nombre des ouvriers, du sentiment d'appartenance à la « classe ouvrière », et l'échec des luttes ouvrières des trente dernières années. Toutefois, il faut  nuancer, les ouvriers représentant encore près d'un quart de la main d'œuvre en France.

3. Chômage de masse et précarisation

Durant les 30 Glorieuses, le chômage était limité (1,5% de la population active jusqu'au milieu des années 60, 2,7% jusqu'au milieu des années 70) et conjoncturel. Depuis les chocs pétroliers de 1973 et 1979, le chômage est devenu un phénomène de masse (> à 8% depuis le milieu des 80) et souvent de longue durée dans les pays dév comme en France.

Le chômage touche essentiellement

• Les ouvriers non qualifiés touchés par délocalisation ou gains productivité (taux de chômage: 21%),

• Les femmes, bien qu’en baisse (9,4% femmes contre 9,1% hommes), mais emplois plus précaires, souvent à temps partiel,

• Les étrangers (16,3% en 2007), avec des nuances selon les nationalités (11% pour les ressortissants de l'UE) et la qualification,

• Et enfin les jeunes cherchant un premier emploi (14,5% des moins de 29 ans en 2007).

Les carrières professionnelles sont désormais de plus en plus marquées par l'emploi précaire (13% de la population active en 2007): intérims, titulaires d'un CDD, stagiaires.

Conclusion : L'évolution de la main d'œuvre en France reflète bien les évolutions globales des sociétés développées depuis 1850. On relève la mise en place d'une société industrielle avec l'affirmation d'une classe ouvrière nombreuse, aux conditions de travail difficiles. Celle-ci débouche durant les 30 Glorieuses sur une société post-industrielle, largement tertiarisée. Le niveau de vie global s'est accru, permettant à de larges fractions de la population d'accéder à la société de conso de 1945 à 1975, grâce aussi au développement de l'Etat-providence. Toutefois, les mutations éco survenues depuis 30 ans semblent remettre en cause des acquis sociaux auxquels la pop est attachée: protection sociale, droit du travail, stabilité de l'emploi...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

une question, un avis ??