vendredi 14 octobre 2011

Histoire des arts : Docteur Folamour




Docteur Folamour ou : comment j'ai appris à ne plus m'en faire et à aimer la bombe (Dr. Strangelove or: How I Learned to Stop Worrying and Love the Bomb) est une comédie militaire et satirique réalisée par Stanley Kubrick, sortie au cinéma en 1964. En 2000, il a été classé 3e meilleur film « humoristique » américain (derrière Certains l'aiment chaud de Billy Wilder et Tootsie de Sydney Pollack) par l'American Film Institute.

L'histoire se déroule en pleine guerre froide. Le général américain Jack D. Ripper, frappé de folie paranoïaque, décide d’envoyer des B-52 frapper l’URSS. Le président des États-Unis commande une réunion d'urgence dans la salle souterraine de commandement stratégique pour tenter d'éviter une guerre nucléaire. Un débat s’engage alors entre les tenants des différentes options politiques et militaires qui s’offrent au président. La seule possibilité pour éviter un conflit majeur est de fournir aux Soviétiques les positions des avions, afin qu’ils les détruisent. Certains sont abattus et les autres sont rappelés, sauf un, dont le système de communications est hors d'usage. L’ambassadeur de l’URSS, convoqué afin de témoigner de la bonne foi du président américain, mentionne l’existence d’un système secret de défense qui déclencherait l’holocauste nucléaire en cas d’attaque contre son pays. Ledit système secret de défense porte le nom de La Machine infernale. On consulte alors le Docteur Folamour, un scientifique, transfuge du régime nazi, nostalgique et psychopathe. Il explique alors une solution possible pour sauver l'espèce humaine. Pendant ce temps, l’équipage du B-52 mène sa mission vers son terme, certain du bien-fondé de l’ordre qu’il a reçu, malgré toutes les difficultés qu’il ne manque pas de rencontrer.

Stanley Kubrick nourrit avec ce film un propos qui lui semble cher : la dénonciation de l'incompétence des politiciens de tout bord, l’absurdité criminelle des projets et des réalisations des complexes militaro-industriels.  Docteur Folamour est, selon Bosley Crowther pour le New York Times « la plaisanterie macabre la plus choquante que j'aie jamais rencontrée, et en même temps l'une des pointes les plus ingénieuses et les plus acérées, dirigée contre la balourdise et la folie de l'armée, encore jamais montrée à l'écran ». Le titre original est à lui seul d’un cynisme qui fait frémir. La sortie du film était prévue le 22 novembre 1963, mais ce jour-là est assassiné le président John Fitzgerald Kennedy. La production doit repousser la date de sortie au début de l'année suivante.  Lors de sa sortie en salles, la tension entre les États-Unis et l'URSS avait baissé d'un cran, rendant le film d’une actualité moins brûlante. Point limite (Fail-Safe) de Sidney Lumet, tourné la même année, brode autour du même thème. Kubrick le fait racheter par Columbia Pictures pour qu'il ne compromette pas la sortie de son propre film. L'exploitation en salle de Point Limite sera reportée à octobre 1964.  Peter Sellers interprète à lui seul trois rôles : le président des États-Unis, l'officier anglais Lionel Mandrake et le Docteur Folamour. Il aurait dû jouer un quatrième personnage, le Commandant T.J. King Kong qui pilote le B-52, mais une blessure à la cheville l'a empêché de tenir ce rôle très physique. Pourquoi quatre rôles ? Selon Kubrick, il s'agissait de quatre rôles nécessitant un grand talent comique que seul détenait selon lui Peter Sellers.  George C. Scott, qui interprète le Général « Buck » Turgidson, avait la réputation d'être un acteur très difficile à diriger. Mais Kubrick connaissait son point faible : l'acteur avait la certitude, à tort visiblement, d'être un bon joueur d'échecs. Le réalisateur étant lui-même un bon joueur, avait installé un échiquier sur le plateau. Il battait Scott à plate couture et gagna ainsi son respect.  Docteur Folamour, le personnage-titre, incarne le recyclage par les États-Unis (et l’URSS) des scientifiques ayant œuvré (et souvent adhéré) au régime nazi. Avec une outrance comique, Kubrick rappelle que le phénomène est loin d'être une invention (voir Opération Paperclip). Le Docteur est inspiré d'Edward Teller, l'un des ingénieurs du Projet Manhattan et inventeur de la bombe H et de Wernher von Braun, ancien savant Allemand à la solde des Nazis (réplique du général Turgidson : "Pour moi c'est toujours un Fritz"), père des V2. Il est également inspiré du mathématicien John von Neumann. Le premier devint plus tard conseiller technique du président américain, il possédait un fort accent hongrois et un tempérament « va-t-en guerre » décomplexé, le second, spécialiste des propulsions et tenues en vol des fusées a fait décoller les programmes de la NASA. Le troisième qui n'a jamais été nazi et pour cause, fut chargé de certains calculs au sein du projet Manhattan. Il fit partie du comité chargé de désigner les cibles des bombes, et calcula l'altitude optimale d'explosion de ces dernières afin qu'elles fassent le maximum de dégâts. Il fut ensuite avec Wiener l'un des fondateurs de la computer science, imaginant la structure des premiers ordinateurs.  La « machine du jugement dernier » (Doomsday Machine) décrite par l'ambassadeur soviétique dans le film a vraiment été étudiée par l'URSS au début des années 1960. Le projet consistait en un vaste cargo rempli de produits hautement radioactifs devant circuler le long des côtes soviétiques et qui, en cas de destruction de l'URSS, devait jouer le rôle d'une immense bombe radiologique. Ce projet n'a jamais vu le jour devant les risques évidents d'accident. La salle d'opérations souterraine constitue une vision très personnelle par Kubrick du Centre opérationnel d'urgence de la présidence (Presidential Emergency Operations Center) situé sous l'aile Est de la Maison Blanche.  On raconte que lorsqu'il entra à la Maison Blanche en 1980, Ronald Reagan demanda où était la salle de guerre. Il fallut expliquer au nouveau président que cette salle était une pure invention de Stanley Kubrick.  Tout au long du film, le vol du B52 est accompagné d'un thème musical récurrent appartenant au folklore traditionnel américain : When Johnny Comes Marching Home, décliné en plusieurs variations.  La scène finale de l'holocauste nucléaire est ironiquement accompagnée par la chanson We'll Meet Again de la chanteuse anglaise Vera Lynn.  Le film Armageddon de Michael Bay fait un clin d'oeil au film de Stanley Kubrick : Dans l'une des scènes, sur l'astéroïde, le personnage un peu loufoque surnommé "Carotte" (interprété par Steve Buscemi) se met à faire du rodéo sur une tête nucléaire (comme le commandant T. J. « King » Kong), sous le regard énervé du pilote de leur navette spatiale qui lui intime l'ordre de descendre avant que "La Carotte" amusé, lui dise: « J'imitais le Dr. Folamour, vous vous rappelez ? Dans le film, quand il fait du rodéo sur une tête nucléaire... »

Scènes à voir et à revoir :

La conversation au téléphone rouge, où le président américain essaie avec toute la diplomatie possible de faire comprendre à son homologue soviétique, complètement ivre au milieu de la nuit, la gravité de la situation ;

 Peter Sellers en officier britannique, essayant d’empêcher, en vain, le général Jack D. Ripper (littéralement « Jack l'Éventreur ») de tirer à la mitrailleuse sur des soldats compatriotes venus le chercher, et qu’il a pris pour des Russes envahissant sa base ;

 Peter Sellers, convaincu de la folie de son supérieur (qui a déclenché le plan R) tente désespérément de lui soutirer le code de rapatriement des troupes. Son raisonnement est interrompu lorsqu'il entend le général Ripper se suicider dans la salle de bain ;

 Le commandant de bord du B-52 qui lit par l'interphone à son équipage les consignes et leur fait vérifier le contenu de leur trousse de survie, où l'on trouve notamment des tablettes de chewing-gum et une Bible miniature combinée à un guide de conversation en russe ;

 Le général américain « Buck » Turgidson et l'ambassadeur soviétique en venant aux mains sont interrompus dans leur bagarre par le président des États-Unis déclarant « Messieurs, vous ne pouvez vous battre ici ! Vous êtes dans le PC de Guerre. » ;

 Ce même général, répondant avec un enthousiasme démesuré à la question du président de savoir si un B-52 en rase-motte pouvait passer à travers les défenses antiaériennes soviétiques ;

 Le Dr Folamour, à l'accent germanique prononcé, tentant de maîtriser son bras droit qui a tendance à faire le salut hitlérien spontanément ;

 Le commandant de bord du B-52, chapeau texan sur la tête, chevauchant la bombe larguée de l'avion.

1 commentaire:

  1. je vous remercie cela m'a été très utile pour mon histoire des arts

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