lundi 13 février 2012

La diplomatie hitlérienne


La diplomatie du Troisième Reich est essentiellement conçue et dirigée par Hitler en personne. Ses ministres des Affaires étrangères successifs (Konstantin von Neurath puis Joachim von Ribbentrop) relayent ses directives sans faire preuve d’initiatives personnelles. La diplomatie hitlérienne, par son jeu d’alliances, d’audaces, de menaces et de duperies, est un rouage essentiel des buts stratégiques que poursuit le Führer. Ses discours tonitruants au Reichstag ou aux congrès nazis de Nuremberg scandent les crises diplomatiques qu’il provoque successivement ; ils alternent avec ses interviews hypocritement rassurantes aux journaux étrangers, ou avec ses entretiens accordés aux représentants étrangers.

Assimilant complètement son destin personnel au destin de l’Allemagne, et identifiant le cours biologique de sa vie avec la destinée du Reich, Hitler est obsédé par la possibilité de son vieillissement prématuré, et il veut donc pouvoir déclencher sa guerre avant de fêter ses 50 ans. Le regard porté par le dictateur sur lui-même a donc un rôle direct dans l’accélération des événements par lesquels il conduit l’Europe à la Seconde Guerre mondiale.

L’opposition au traité de Versailles 

Le 14 octobre 1933, Hitler retire l’Allemagne de la Société des Nations et de la Conférence de Genève sur le désarmement, tout en prononçant des discours pacifistes. Le 13 janvier 1935, la Sarre plébiscite massivement (90,8 % de Oui) son rattachement à l’Allemagne.

Le 16 mars 1935, Hitler annonce le rétablissement du service militaire obligatoire et décide de porter les effectifs de la Wehrmacht de 100 000 à 500 000 hommes, par la création de 36 divisions supplémentaires. Il s’agit de la première violation flagrante du traité de Versailles.

En juin de la même année, Londres et Berlin signent un accord naval, qui autorise le Reich à devenir une puissance maritime. Hitler lance alors un programme de réarmement massif, créant notamment des forces navales (Kriegsmarine) et aériennes (Luftwaffe).

Les Jeux olympiques d'hiver de 1936 à Garmisch-Partenkirchen ont constitué une formidable vitrine pour la propagande, surtout pour faire oublier sa politique du fait accompli et mettre au pied du mur le Royaume-Uni et la France dans ce qu’Hitler projette de faire. En janvier 1936, Bertrand de Jouvenel, jeune journaliste se trouvant aux Jeux d’hiver, prend l’initiative de contacter Otto Abetz, représentant itinérant du Reich, pour lui demander une interview d’Hitler. Abetz y voit une bonne opportunité de communication pour contrecarrer la ratification du pacte franco-soviétique par un vote de la Chambre des députés devant avoir lieu le 27 février. La veille de la publication, le propriétaire de Paris-Soir, Jean Prouvost, interdit la diffusion de l’article, qui est demandée par le président du conseil Albert Sarraut. Finalement, l’article est publié, le lendemain du vote dans le journal Paris-Midi du vendredi 28 février.

Quel était le but des Allemands ? Faire retarder la publication pour ensuite dire que les bonnes intentions d’Hitler avaient été cachées aux Français et ainsi adopter des contre-mesures.

Ce que dit Hitler dans son interview dans Paris-Midi est calibré pour le public français et représentatif de ses talents de manipulateur. Il dit ainsi sa « sympathie » pour la France et expose ses volontés pacifiques :

 « La chance vous est donnée à vous. Si vous ne la saisissez point, songez à votre responsabilité vis-à-vis de vos enfants ! Vous avez devant vous une Allemagne dont les neuf dixièmes font pleine confiance à leur chef, et ce chef vous dit : “Soyons amis !” ».

Les réactions à cette interview sont toutes convergentes à travers l’Europe, de Londres à Rome en passant par Berlin. Tous les commentateurs saluent les paroles de paix d’Hitler et chacun y voit le début d’un rapprochement à quatre.

Dès le 7 mars 1936, Hitler revient sur ses paroles de paix en remilitarisant la Rhénanie, violant une nouvelle fois le traité de Versailles ainsi que les accords de Locarno. C’est un coup de bluff typique de sa méthode personnelle. Hitler a donné comme consigne à ses troupes de se retirer en cas de riposte de l’armée française. Cependant, bien que l’armée allemande, à ce moment-là soit bien plus faible que ses adversaires, ni les Français, ni les Britanniques ne jugent utile de s’opposer à la remilitarisation. Le succès est éclatant pour Hitler.
Complaisances à l’étranger
La fascination exercée par Hitler dépasse largement à l’époque les frontières de l’Allemagne. Pour de nombreux sympathisants du fascisme, il incarne l’« ordre nouveau » qui remplacera les sociétés bourgeoises et démocratiques « décadentes ». Certains intellectuels font ainsi le pèlerinage du congrès de Nuremberg, comme le futur collaborationniste Robert Brasillach. Le journaliste Fernand de Brinon, premier Français à interviewer le nouveau chancelier en 1933, sera un militant proche du nazisme, et le représentant du régime de Vichy en zone nord dans Paris occupé. Le 13 juin 1933, le premier ministre fascisant de Hongrie, Gyula Gömbös, est le premier chef de gouvernement étranger à rendre une visite officielle au nouveau chancelier allemand.
Chez les conservateurs de toute l’Europe, beaucoup s’obstinent des années à ne voir en Hitler que le rempart contre le bolchevisme ou le restaurateur de l’ordre et de l’économie en Allemagne. La spécificité et la nouveauté radicales de sa pensée et de son régime ne sont pas perçues ; on ne voit en lui qu’un nationaliste allemand classique, guère plus qu’un nouveau Bismarck. On veut souvent croire aussi que l’auteur de Mein Kampf s’est assagi avec l’exercice des responsabilités. Au printemps 1936, Hitler reçoit spectaculairement à sa résidence secondaire de Berchtesgaden le vieil homme d’État britannique David Lloyd George, un des vainqueurs de 1918, qui ne tarit pas d’éloges sur le Führer et les succès de son régime. En 1937, il reçoit de même la visite du duc de Windsor (l’ex-roi d’Angleterre Édouard VIII).
À l’été 1936, Hitler inaugure les Jeux olympiques de Berlin. C’est l’occasion d’un étalage à peine voilé de propagande nazie, ainsi que de réceptions grandioses destinées à séduire les représentants des establishments étrangers présents sur place, notamment britannique. Le Grec Spyrídon Loúis, vainqueur du marathon aux premiers jeux de 1896, lui remet un rameau d’olivier venu du bois d’Olympie. La France a renoncé à boycotter les jeux, et ses sportifs font polémique en défilant devant Hitler le bras tendu (le salut olympique ressemblant au salut nazi). Par contre, la délégation américaine s’est refusée à tout geste ambigu lors de son passage devant le dictateur. Plus tard, pendant les épreuves, Hitler quitte la tribune officielle, mais ce geste n'aurait pas eu pour but, contrairement à une idée répandue, d'éviter d’avoir à serrer la main du champion noir américain Jesse Owens, mais d'éviter de devoir féliciter tous les vainqueurs, décision qui englobe Owens sans le viser spécifiquement.
Le 2 janvier 1939, Hitler est élu Homme de l’année 1938 par le Time Magazine.

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